Page 93 - Les Kamasutra
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CHAPITRE V






                      DE CERTAINES FORMES DE MARIAGE

            Lorsqu’une   jeune   fille   ne   peut   voir   souvent   son   amant   en
          particulier, elle doit lui envoyer la fille de sa nourrice, étant bien
          entendu  qu’elle  a  confiance  en  elle  et  qu’elle  l’a  préalablement
          gagnée à ses intérêts. Dans sa conversation avec l’homme, la fille de
          la nourrice lui vantera la naissance de la jeune fille, son heureux
          caractère, sa beauté, ses talents, son adresse, sa maturité d’esprit et
          son affection, mais de façon à ne pas lui laisser soupçonner qu’elle
          vient de sa part ; elle excitera ainsi dans le cœur de l’homme de
          l’amour pour la jeune fille. À celle-ci, en retour, elle parlera des
          excellentes qualités de l’homme, et spécialement de celles qu’elle
          sait lui être agréables.
            Elle parlera aussi, en termes défavorables, des autres amants de la
          jeune fille, critiquera l’avarice et l’indiscrétion de leurs parents, le
          peu de consistance de leurs familles. Elle citera des exemples de
          filles des anciens temps, telles que Sacountala et d’autres, qui, s’étant
          unies avec des amants de leur propre caste et de leur propre choix,
          furent toujours heureuses dans leur société. Elle parlera aussi d’autres
          filles qui, mariées dans de grandes familles et bientôt tourmentées
          par des épouses rivales, devinrent misérables et, finalement, furent
          abandonnées.

            Enfin,   elle   parlera   de   l’heureuse   fortune,   de   la   prospérité
          inaltérable,   de   la   chasteté,   de   l’obéissance   et   de   l’affection   de
          l’homme, et si la jeune fille en devient amoureuse, elle s’efforcera de


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