Page 89 - Les Kamasutra
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Il pressera aussi entre ses orteils un doigt de sa main, lorsque la
jeune fille se lavera les pieds ; et, chaque fois qu’il lui fera un cadeau
ou en recevra d’elle, sa contenance et ses regards lui exprimeront
l’intensité de son amour.
Il répandra sur elle l’eau qu’il aura reçue pour rincer sa bouche ;
et, s’il se trouve avec elle dans un lieu solitaire, ou dans l’obscurité, il
lui fera l’amour, et lui dira le véritable état de son esprit sans
l’affliger d’aucune façon.
Chaque fois qu’il sera assis avec elle sur le même siège ou le
même lit, il lui dira : “J’ai quelque chose à vous dire en particulier”,
et alors, si elle consent à l’écouter dans un endroit tranquille, il lui
exprimera son amour par des gestes et des signes plutôt que par des
paroles.
Lorsqu’il connaîtra bien ses sentiments à son égard, il se prétendra
malade et la fera venir chez lui pour lui parler. Alors il lui prendra
intentionnellement la main et la portera sur ses jeux et sur son front,
et, sous le prétexte de se préparer quelque médecine, il la priera de se
charger de l’ouvrage, en ces termes : “C’est à vous de faire cette
besogne, à vous, et à nul autre.” Quand elle devra se retirer, il la
laissera partir, en la priant vivement de revenir le voir. Ce semblant
de maladie sera continué pendant trois jours et trois nuits. Dans la
suite, comme elle prendra habitude de venir souvent le voir, il tiendra
avec elle de longues conversations, car, dit Ghotakamukha, “si
passionnément qu’un homme aime une fille, il ne vient jamais à bout
d’en triompher sans une grande dépense de paroles”. Enfin, lorsque
l’homme trouve la fille entièrement conquise, il peut alors
commencer à en jouir.
Quant à dire que les femmes se montrent moins timides qu’à
l’ordinaire le soir, la nuit et dans l’obscurité, qu’elles sont à ces
moments-là désireuses du congrès, qu’elles ne s’opposent plus aux
hommes et qu’il faut en jouir seulement à ces heures-là, c’est pur
bavardage.
Lorsqu’un homme ne pourrait, par lui seul, arriver à ses fins, il
devra, au moyen de la fille de la nourrice ou d’une amie en qui elle a
confiance, se faire amener la jeune fille sans lui révéler son dessein,
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