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LA VRAIE RECETTE SANS NOM.
Au premier abord la cuisine n’est pas un secteur que je visite
et encore moins où je m’installe. Mais aujourd’hui est un
moment particulier.
Il y a le blanc de volaille fermier qui frissonne dans la marmite
de fonte au contact du beurre de Guérande à la limite de la
fusion perversement fouettée par des oignons de Roscoff
défrisés du bulbe au contact direct d’un céleri de sel comme
condiment craintif mais vivant à la bonne température où se
découvre impudiquement la seule pomme de terre Monalisa
entière de passion et possessive de son environnement est nue
pensive et goûte le jus douloureux de fièvre qui mijote au feu
d’un bois fièrement conquérant dont la carotte Flyaway dite la
Nantaise moins connue que « Lulu la Nantaise » célèbre en
bouche et en culte n’a pas l’intention de se flinguer et porte
haut en couleur sa résistance à la cuisse on s’en doute même si
le bouillon de volaille de belle nature de carcasse (et pas de
Caracas) s’émulsionne gentiment presque dévotement au
sacrifice qui est le sien dans la plénitude d’être le liant par le
même sourire que le vrai champignon de Paris pouponné avec
les bons minéraux dans le Val d’Oise (et pas en Chine) sans
oublier le poireau de service qui s’est fait attendre
présentement mais il le peut car ce poireau des vignes est
sensible comme une asperge, délicat comme le duvet d’une
groseille à maquereau et voilà qu’il plonge à son tour en un
tour de main essoré et quelle ambiance dans la marmite en
effervescence avec tout ce beau monde…
Alors l’on pourra me dire que cette recette est impossible à
réaliser et qu’il est temps que je m’occupe de mon oignon voire
de mes oignons que de raconter des cracks… chaud devant,
vous voilà servi…