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TOXIQUE…

        Il est tard. Je prends le dernier train. La gare ancrée en cœur
        de campagne éponge de sa masse le reste de la plaine. Et le
        regard cyclope rouge de son lampadaire unique à son entrée
        est surréaliste. Je gare… ma voiture et j’attends au chaud à
        l’intérieur, car la Société nationale des chemins de fer français
        n’a pas les moyens d’un chauffage dans la petite salle d’attente
        depuis longtemps déficitaire.

        Il est vraiment tard. Je sors de ma voiture. Il fait bon. C’est un
        été agréable. C’est un été qui manque aux calendriers passés…
        Le train a des absences et mon portable ne capte plus rien
        même pas les étoiles.
        Je commence à rager intérieurement et je marche de long en
        large du petit parking. Je me dépense en pensées incongrues
        quand je croise un… fauteuil genre strapontin de cinéma. Ce
        qui n’est pas dans mes habitudes. Je croise plus facilement des
        inconnus,   des   maisons,   des   voitures,   des   carrefours,   des
        routes, mais un fauteuil…

        Je reste perplexe. Il est en suspension… en lévitation… il passe
        devant moi et je regarde à l’alentour. A part un chat assis sur
        le rebord de la fenêtre du guichet, je suis seul. Seul humain.
        — Votre train ne passera pas ce soir. Je peux vous ramener
        chez vous, si vous voulez, me dit le fauteuil.

        J’ai une sueur froide et mal au crâne avec les yeux qui me
        piquent. Suis-je dans une réalité parallèle ? Vite un miroir pour
        me reconnaître dans ce monde-ci. Mais pas de miroir. Est-ce
        un tour de passe-passe d’un prestidigitateur égaré dans cette
        partie du territoire ? Est-ce le fait d’une fatigue de cette fin
        d’année ?

        Et le fauteuil tourne autour de moi. Je crois que je vais tomber
        raide   et   personne   pour   me  secourir   de   cette   vision.   J’ai   le
        frisson de la peur qui me parcourt hilare presque indécent.

        — Prenez place. Je vous invite.

        Je m’installe… envoûté. Et de suite je prends conscience de ma
        naïveté   et   ressens   ma   position   inconfortable,   incommode,
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