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VOUS AVEZ DIT INJUSTICE ?
L’homme se regarde au miroir du puits cyclope millénaires. Il
tente de se persuader que la victime n’a pas basculé dans cette
fosse d’eau, ce bel ouvrage à la Sychar (sans les chenilles).
L’amant disparu n’était pas à son premier périple adultère. Il
avait la frénésie des lits des autres. Les femmes n’avaient en
lui que sa parole, pas divine mais ressentie comme telle, et de
l’envoûtement aux prémices de l’effleurement, aux élans de
séduction, la herse de la conquise était prise d’assaut, ouverte
en bastille et embastillé d’amour… frelaté.
Bref, un populaire dont le journal local fait état et les fessiers
de ces dames n’attendaient que la culbute bienvenue, car trop
souvent la jachère était présente par défaut, impopulaire mais
subit, seule et imparfaitement injuste.
L’homme se retourne et demande à sa femme, debout, bras
croisés à soutenir sa généreuse poitrine :
— Alors ?
— Alors quoi ?
— Tu l’as fait disparaître ?
— Je n’ai pas les moyens.
— Franchement, on risque d’avoir des soucis…
— Demande le divorce.
— On a encore des factures en commun à s’acquitter.
— Tu es mesquin.
— Je suis pratique, nuance.
— Goujat…
— Gueuse…
— A méditer sur mon cas, tu devrais revoir notre position de
couple.
— Quel couple ? Nous sommes deux meubles… à s’astiquer
chacun dans son coin.
— Tu es ignoble.
— Je constate.
— Je rage.
— … pour rien…
— A ce disparu, qu’importe…un autre me retroussera… tu
n’auras pas le triomphe facile…