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RÉCOMPENSE BIODÉGRADABLE
Hier, j’ai entendu le mot fidélité. Je reste perplexe et puis j’ai
rencontré une femme de vie. Non, croisé est le mot juste.
J’étais installé sur la terrasse de mon café attitré, ma bière
habituelle et ma cigarette calmante.
Je traîne ainsi ma carcasse tous les vendredis soirs après le
boulot, enfin une occupation. J’arrose tous les après-midis les
fleurs d’une immense résidence de roboïdes dont la tendance
actuelle est de fleurir humainement leurs environnements. Un
rappel d’un bonheur perdu… humain…
Bref, j’ai cru à une déformation de mon champ de vision ou
pire à une altération de l’algorithme de mes envies. Mais non,
apparemment. Cette femme est passée tranquillement devant.
J’ai avalé d’une seule traite ma bière Delfer à me brûler les
premiers centimètres œsophagiens.
Je suis le seul humain mâle du territoire. Alors croiser un autre
humain c’est toujours un événement. D’ailleurs, je ne pense
avoir côtoyé un autre moi-même. Non… je n’ai pas souvenir.
Je suis dressé et le mors de la punition en permanence pour ne
pas me révolter. Je traverse le temps de ma vie comme une
chose rare qui appartient à la communauté et on m’octroie
quelques occupations pour me garder en vie. Mais je ne sais
pas ce que c’est qu’une vraie vie. La mienne est dessinée en
craie et pourtant cette vie est un critérium de chaque jour. Je
n’ai pas de repos, de vacances dont j’ai entendu quelque part
les bienfaits…
J’ai retenu une expression bizarre : « une vie de chien ». Je
soupçonne le pire mais qu’est-ce que le pire qu’un mot dont la
définition est abstraite par le non-vécu de la chose ? Je suis à
l’approche d’une mélancolie et je comprends pourquoi…
— Vous avez vu votre récompense ? me dit un roboïde, cette
récompense est biodégradable après une seule utilisation…