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Tom Rice / L’unité du film colonial                          125

          Les films  de l'entre-deux-guerres dépeignaient régulièrement Londres
          comme le « cœur de l'empire » et cette image figurait dans certaines des
          premières projections de films organisées pour le public africain. Glenn
          Reynolds a noté que les séances de cinéma en plein air organisées dans le
         cadre de l'expérience éducative bantoue Kinema au Tanganyika (aujourd'hui
          Tanzanie), au Nyassaland (aujourd'hui Malawi), en Rhodésie du Nord (au-
         jourd'hui Zambie et Zimbabwe), au Kenya et en Ouganda entre 1935 et
         1937 se terminaient souvent par un film « d'intérêt » montrant des images
         de Londres. Le film se terminait par une photo du roi, puis par l'interpréta-
         tion de l'hymne national . Dans leur structure formelle et leurs objectifs
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          idéologiques, ces films de Londres peuvent sembler refléter les conventions
          des premiers carnets de voyage coloniaux, en représentant un monde jugé
          « exotique » et lointain pour ses spectateurs. Alors que ces premiers films
          d'espaces étrangers représentaient le « primate » pour les spectateurs bri-
          tanniques, ces carnets de voyage britanniques ont inversé la situation, en
          fournissant une interprétation visuelle d'une notion britannique de « civili-
          sation » à leur public africain.

                 Certes, ces productions de la CFU et Home Unit réitèrent la pri-
         mauté et l'autorité historiques de la Grande-Bretagne à travers cette image
         de Londres, mais des distinctions importantes apparaissent également. Tout
         d'abord, le rôle central des africains dans les productions de la Home Unit
         contraste avec leur absence presque totale dans les images de coloniaux de
         l'entre-deux-guerres à Londres. L'Afrique est désormais placée au premier
         plan de l'empire  . Deuxièmement, cette notion de centre impérial est com-
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         plétée par des images de travailleurs et d'artistes voyageant en dehors de la
         métropole. Si les premières scènes d'une conférence africaine soulignent la
         nature formelle de cette relation impériale, les séquences suivantes s'éloi-
         gnent des monuments de Londres, montrant les dirigeants travaillant avec
         leurs homologues britanniques et apprenant d'eux dans des fermes et des
         usines.

                 Les contrastes entre ces deux séquences révèlent l'équilibre précaire
         entre une relation impériale traditionnelle, contrôlée depuis le centre, et ce
         nouveau modèle de partenariat impérial. Lors de la présentation des délé-
         gués africains à Londres, le film met en avant et montre à plusieurs reprises
         l’Africain portant des costumes traditionnels lorsqu'ils entrent dans la ville.
         Des africains portant des costumes traditionnels alors qu'ils entrent dans les
         procédures officielles à Lancaster House. On peut apercevoir des africains
         en costume à l'arrière-plan, tandis que des britanniques, hommes et femmes,
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