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Tom Rice / L’unité du film colonial                          123

          COI ont cherché à promouvoir et à représenter un empire reconfiguré auprès
         du public britannique et, par la suite, auprès des publics africains. La dis-
         parition de la Home Unit et l'émergence d'écoles de cinéma locales, dont la
         première a ouvert ses portes à Accra sur la Gold Coast (aujourd'hui Ghana)
         en septembre 1948, sont une réalisation pratique de ces changements  .
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                   Finalement, le fonctionnement, et en particulier les échecs, des
          unités locales émergentes révèlent cette incertitude et cette tension perma-
         nentes entre l'administration locale et la politique coloniale centralisée. Les
          gouvernements coloniaux utilisaient le cinéma comme un moyen de façon-
          ner, de définir et de contrôler les sujets impériaux, en diffusant des infor-
          mations  gouvernementales aux  publics locaux. Pourtant, le  cinéma  est
          désormais plus étroitement aligné sur la politique du gouvernement central
         puisque, en 1950, la Colonial Film Unit est incorporée au Colonial Office.
          Alors que l'Office Colonial cherche publiquement à encourager la décen-
          tralisation, la CFU continue de coordonner et de superviser l'échange de
          personnel, d'idées, de films et d'équipements à travers l'empire. Cette dy-
          namique est surtout bien résumée dans les films eux-mêmes, qui ont conti-
         nué à être traités à Londres. La notion de films africains « locaux » transitant
          par Londres pour atteindre leur public africain met en évidence cette négo-
          ciation permanente entre le centre et la périphérie, entre la politique ciné-
          matographique coloniale au sens large et les pratiques locales, entre les
          échanges transnationaux  et  les  cultures cinématographiques  régionales
          émergentes. En cette période de changements sociaux et politiques rapides,
          le cinéma offre un microcosme des processus politiques de décolonisation,
          reflétant souvent les mouvements bégayants, complexes et hésitants vers
          l'indépendance.

          Les africains en Angleterre : exposer la Grande-Bretagne

                   En 1940, Winston Churchill a déclaré : « Si l'Empire britannique et
         son Commonwealth durent mille ans, les hommes diront encore que c'était leur
         heure de gloire  ». Peu importe le millénaire, l'empire a à peine survécu à la dé-
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         cennie, car sous le gouvernement travailliste d'après-guerre, la carte impériale a
         été redessinée. Bien que souvent incapable de suivre le rythme de l'évolution de
         la situation politique, le Ministère des Colonies organise un certain nombre d'évé-
         nements destinés à promouvoir et à consolider les relations de la Grande-Bre-
         tagne avec ses colonies africaines. Comment présentait-il alors ce nouveau
         modèle impérial aux publics britanniques, et de quelle manière les films de l'UFC
         réimaginaient-ils ces événements pour les publics africains ?
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