Page 572 - Livre2_NC
P. 572
Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée 563
SG : Ceddo.
Js : La bande sonore comprend deux compositions de Philip Glass qui illus-
trent le choc des cultures que Sembène a connu en arrivant à Marseille. Il y a
cet étrange son de violon qui n’est pas sans rappeler celui de Glass, mais joué
sur un instrument à cordes.
MTM : La musique a été commandée ?
SG : Non, elle a été enregistrée par un groupe, Uakti, de Belo Horizonte [Bré-
sil], qui construit ses propres instruments à partir de matériaux provenant de
la forêt amazonienne.
JS : Nous avions aussi un morceau de Youssou N’Dour et un de Baaba Maal ; le
reste est original.
MTM : Le Marseille des années 50 est un élément important de la formation
culturelle et politique de Sembène, où les émigrés colonisés habitent le terri-
toire des colonisateurs. Quelles leçons devons-nous tirer de la rencontre avec
la métropole ? Par exemple, la blessure physique que Sembène s’est infligée
au dos en soulevant de lourds sacs peut-elle être interprétée comme une méta-
phore ?
SG : Oui. Marseille est très significative dans la formation de Sembène, elle
n’a pas commencé là, mais plutôt au Niger, lorsqu’il était soldat et conscient
de la finalité et de la fonction du système colonial. Après son arrivée à Mar-
seille, il a poursuivi sa formation dans des écoles gérées par le Parti Commu-
niste français et a commencé à travailler avec la Confédération Générale du
Travail (CGT) . Cette expérience a organisé ses connaissances et lui a permis
22
de devenir plus systématique.
C’est également à cette époque que Sembène lit Claude McKfay et Richard
Wright, entre autres écrivains noirs, ce qui constitue un élément important de
sa scolarité et de son éveil politique. Avant cela, je dirais que sa conscience
était animée par une colère viscérale, car il était rentré au Sénégal enragé
après l’expérience du Niger, qui avait brisé sa vision du monde.
MTM : Comme un billet de sortie ou comme...
JS : Une aventure ?
SG : C’est plus simple que cela. C’était très macho parce qu’il appartenait à
une génération où le machisme était très important, notamment pendant la

