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Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée   561

         JS : C’est un problème institutionnel. Il y a une très belle phrase dans l’inter-
          view de Manthia Diawara, qui n’a pas été retenue dans le film, quand il dit :
         « Sembène a porté le cinéma à un niveau que j’ai peur de voir s’effondrer.
          L’Afrique n’a pas assez d’argent pour les écoles ou les hôpitaux, sans parler
          du cinéma ». Que vous le croyiez ou non, il y a des gens très riches en Afrique
          qui ont les moyens de faire en sorte que tout ce qu’ils veulent arriver, arrive.

          MTM: Il y a aussi la complicité des dirigeants africains et de la classe poli-
          tique qui ne promeuvent pas et n’investissent pas dans le secteur cinématogra-
          phique, qui sous-capitalisent délibérément la production de films, prétextant
          que « nos priorités sont ailleurs », alors qu’en fait ils craignent que le cinéma
          et la télévision ne servent à remettre en question les politiques et à déstabiliser
          leurs gouvernements.

          JS : Ils sont dangereux.

          SG : Oui, le besoin de responsabilité historique et l’animosité contre la com-
          plaisance alimentent le cinéma de Sembène.
          JS : Vous avez raison. Ce n’est pas seulement une question de ressources, car
         si la volonté est là, des solutions sont possibles et peuvent se produire. Ils ont
         fermé le Musée National du Film à Moscou, et ce n’est pas parce qu’ils n’ont
         pas les moyens de le garder. Ils les ont expulsés du bâtiment. C’est un bâtiment
         appartenant à l’État et ils l’ont vendu à un investisseur privé. Cela n’a rien à
         voir avec l’argent. Cela a tout à voir avec l’idéologie et le contrôle des mes-
         sages.

         SG : Je connais trois pays d’Afrique qui ont investi dans le cinéma, même s‘ils
         sont pauvres et sous-développés. Parmi eux, le Burkina Faso investit depuis
         1969. Aboubakar Sangoulé Lamizana  a nationalisé les salles de cinéma au
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         Burkina Faso en raison de problèmes avec les distributeurs français. Les Fran-
         çais ont riposté par un embargo. Il a envoyé un émissaire au Sénégal pour voir
         Sembène, même si ce dernier n’avait terminé qu’un seul long métrage, Black
         Girl, et je pense Moustapha Alassane du Niger  . Ils se sont envolés pour Oua-
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         gadougou et ont créé La semaine du Cinéma Africain. Le reste appartient à
         l’histoire.

         MTM : Une question informative avant de passer à l’étape suivante. Dans
          quel but utilisez-vous l’animation ?

          JS : C’est pratique.
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