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contribue, par le biais de la culture, à l’expression de soi, à la réalisation de
soi des africains pour les africains par les africains, à l’autodétermination.
Sembène déclare-t-il que les artistes ont une responsabilité envers leur société
et envers le projet de...
SG : La construction de la nation. En 1993, Sembène a rédigé son propre cur-
riculum vitae. Il ne mentionne nulle part les vocations de « cinéaste » ou
d’« écrivain ». Sous la rubrique profession, il énumère deux éléments : pêcheur
et docker.
JS : Oui, la partie que j’aime et que vous venez de citer est « j’ai un travail
que j’aime ». Il n’y a rien de prétentieux là-dedans. Il pourrait tout aussi bien
être boulanger ou maroquinier.
SG : C’est comme ça qu’il se voit. Je me souviens lui avoir demandé un jour :
« Qu’est-ce qui vous inspire » ? Il m’a répondu : « Oubliez l’inspiration, ce
n’est que de la transpiration ».
MTM : C’est le travail.
SG : Du travail. Il aurait pu dire : « Si vous voulez comprendre le processus
par lequel je travaille, allez voir un boulanger et venez me voir demain. Le pro-
cessus est le même ».
MTM : Comment interprétez-vous cela, Jason ?
JS : Pour que la société fonctionne correctement, chacun doit faire son tra-
vail.
MTM : La division du travail.
JS : Mon point de vue : Les boulangers doivent faire la cuisine, les maroqui-
niers doivent réparer les chaussures, et les conteurs doivent raconter des his-
toires. Sembène fait ce qu’il doit faire. Et j’aime la façon dont il en parle :
« J’ai un travail que j’aime, personne ne m’a demandé de le faire, je le fais, je
fais la chose qui doit être faite ».
SG : Et le cinéma et l’écriture sont ses contributions à la société, comme le
pêcheur et l’agriculteur.
JS : Et dans la déclaration « j’ai un travail que j’aime, je veux parler à mon
peuple », je pense que Sembène disait : « je suis les oreilles de mon peuple,

