Page 105 - Livre "CALAVERAS" de Patrick Bard
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les réseaux sociaux mis pour l’occasion traversent la ville en vélo, là, ils chantent No hay duda: este país es como en “La ¿Será por eso por lo que cualquier
au service du culte de Mictlantecuhtli, pour les enfants des écoles tandis qu’une cigarra y la hormiga” de La Fontaine, pero acontecimiento, por trágico que sea,
réseaux qui renvoient aux citoyens une joyeuse kermesse propose des crânes en al revés, exactamente al revés. da lugar a un corrido en México?
image d’eux-mêmes restaurée par la fête. chocolat, ailleurs encore, ils occupent Mientras tanto, se llenan los
Il nous faudra attendre d’avoir atteint le la scène d’un théâtre où ils donnent un Temiendo la Muerte vivió la hormiga cementerios. Estamos a principios de
palais gouvernemental, six kilomètres plus spectacle gratuit sur… les enfants décédés. Y viose muy frustrada noviembre. En la tarde se homenajea
loin, pour accéder enfin au cortège qui se Décidément, les morts ne connaîtront Cuando llegó a despacharla. a los mexicanos ilustres enterrados
fond dans l’installation géante disposée point de repos avant plusieurs jours, et No había gozado de la vida en el Panteón de Dolores, inmenso
sur le zócalo. surtout, plusieurs nuits. C’est à qui fera Lo cual era una lástima. cementerio urbano en cuyas calles nos
La nuit tombe sur Mexico, les lumignons le plus beau macchabée. Tous rivalisent Acudió muy deprimida perdemos en busca de la tumba de Tina
prennent le pas, la danse macabre d’élégance mortuaire, nourrissons inclus, Con la cigarra su vecina Modotti, fotógrafa italomexicana
s’intensifie. À présent, les morts sont pour arpenter les boulevards en « m’as-tu Rogándole le contara, de los años 30, comunista, amante
partout, ils occupent les rues, ils ont vu dans mon beau costume de trépassé ». Para hacer tiempo, algún verso de Edward Weston, allegada al clan
remplacé les vivants jusque derrière Hasta el día de la Resurrección. Rivera-Kahlo-Trotsky, cuya historia
les tiroirs-caisses des bijouteries, des Ce pays, décidément, c’est « La cigale et la “Prometo pagarle, por mi reputación, se confunde con la de México en
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magasins de maquillage, des restaurants fourmi » de La Fontaine, mais à l’envers, Con ganancias y a todo precio”. el siglo XX. Tina Modotti murió
et des produits de beauté. Tard dans la nuit, exactement à l’envers : Hasta cierto punto, la cigarra no es misteriosamente de un paro cardiaco
les familles de défunts déambulent avec engreída: en un taxi a los 45 años, en 1942,
bonhommie dans les rues - rues piétonnes La fourmi ayant craint la Mort toute la vie “¿Qué has hecho con tu vida?” después de cenar con el arquitecto de
surtout - aux abords de la grand place. Se trouva fort frustrée quand celle-ci Le preguntó a la pesimista. la Bauhaus Hannes Meyer. Su muerte
Et l’on se dit qu’après une telle acmé, sans l’estourbit “Gústele o no, me angustiaba, noche y día”, ocasionó múltiples rumores, entre
doute, les morts seront rangés jusqu’à la De vivre, elle n’avait pas joui, “¿Con que te angustiabas? otras cosas, se la acusó de tener que
Toussaint. Et c’était un véritable crime. ¡Pues ahora que te mueras!” ver con el asesinato de Trotsky, quien
Que nenni, chaque jour, ils sont de retour Elle alla crier sa déprime estaba refugiado en México. León
dès le crépuscule, sortant de leurs Chez la cigale sa voisine “Sí, muérete, porque yo he bailado, Trotsky, asesinado con un piolet un
tombeaux, sarcophages et caveaux tandis Lui priant de lui conter todo el verano, he bailado, gocé de la día de 1940, cuando al catalán Ramón
que les stands de maquillage se multiplient Quelques quatrains pour résister vida y me burlé de la Parca mientras te Mercader se le ocurrió dedicarse al
encore et encore et que le jour des morts Jusqu’à la résurrection, ma belle perdías la vida temiéndola. ¿Con que alpinismo en su cráneo. Trotsky murió
se rapproche. Point de journée sans une Je vous paierai, intérêt et capital no viviste por temor a morir? Pues ni después de tres días de agonía, y está
nouvelle initiative. Ici, les décharnés Quoi qu’il m’en coûte, foi d’animal modo…” enterrado en el jardín de su casa