Page 238 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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LE COMTE EN TENUE D’ADAM
Dès que la Vicomtesse partait en voyage d’affaires, j’en profitais pour
mettre bon ordre dans mon organisation, faire un tri de documents la
concernant, et les déposer sur le bureau dans ses appartements privés, lieu où
j’étais la seule à avoir accès.
Pour se rendre dans ses appartements, il fallait sortir du bureau et sur le
palier se diriger juste en face vers un escalier étroit et sombre, situé à côté des
appartements de la Comtesse douairière. Par cet escalier, on passait devant le
bureau de la secrétaire particulière, puis un peu plus loin dans le prolongement
du couloir, se situaient les appartements privés de Monsieur le Comte, et
encore un peu plus loin, un autre escalier pour accéder aux appartements de la
Vicomtesse.
Un jour où je me rendais dans ses appartements, la voix de Monsieur le
Comte résonnait avec insistance. Il avait une certaine ressemblance avec
l’acteur Paul Meurisse, il tentait d’appeler sa secrétaire, Madame Debray,
« Mame Debré, Mame Debray », à plusieurs reprises, comme si elle n’avait pas
entendu et qu’il y avait urgence. Je continuais à avancer dans ce couloir sombre
lorsque stupéfaite, je tombai nez-à-nez avec Monsieur le Comte arborant une
nudité totale, devant la porte entrebâillée de ses appartements. Quelle ne fut
pas ma surprise de le croiser en tenue d’Adam et bien que confuse je simulai
l’indifférence, tout en lui adressant un « bonjour Monsieur », par politesse et ne
laissant rien paraître de ma surprise, tout en continuant à m’avancer vers les
appartements de son épouse. Si j’avais feint ignorer sa nudité, je m’étais bien
rendue compte de sa blancheur de peau et d’une silhouette extrêmement
tonique et musclée pour un quinquagénaire. Je redescendis au bureau, hilare
devant l’équipe du studio interrogative, leur racontant ce qui venait de
m’arriver, j’ajoutais avec humour le soupçon d’une aventure secrète entre
Mame Debray et Monsieur le Comte !
Une heure plus tard, Monsieur le Comte fit son apparition dans notre
bureau, en souhaitant le bonjour à toute l’équipe et insistant sur moi. Je lui
répondis alors que nous nous étions déjà croisés un peu plus tôt et lui avais
déjà formulé cette politesse. Il y eut un grand moment de silence.
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