Page 242 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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CHEZ LA COMTESSE DOUAIRIÈRE
Les appartements de la Comtesse Douairière se situaient face à mon
bureau sur le même palier. On ne la voyait que très rarement vu son grand âge,
et il était recommandé de faire preuve de discrétion, afin de ne pas la déranger.
Nous avions respecté ces recommandations.
C’était une période où elle était partie en vacances se reposer, et nous
étions en pleine effervescence d’une collection en cours de création. J’étais dans
le studio avec la Vicomtesse et son directeur artistique. Un magnifique tissu
était sélectionné pour la réalisation d’un modèle. Il plaisait énormément mais
manquait d’une certaine blancheur, il était blanc cassé, ce qui dérangeait la
Vicomtesse. Je lui fis une proposition, expliquant que si je plongeai le tissu dans
une mixture que j’utilisai personnellement pour blanchir les tissus le problème
serait résolu. Ravie, elle accepta la tentative, j’ajoutai que pour obtenir un
résultat parfait, il était préférable d’utiliser une baignoire pour y tremper le
tissu quelques heures, voire toute une nuit. Il existait bien une baignoire dans
la salle de bain attenante à notre bureau, mais elle était recouverte d’une
planche, sur laquelle nous avions posé un micro-ondes, une cafetière, et
quelques objets utilitaires, très utiles pour notre confort personnel. Je lui
suggérai donc d’avoir la permission d’utiliser la baignoire de la Comtesse
Douairière pendant son absence. Elle hésita, puis accepta finalement cette
solution, me recommandant vivement de ne laisser aucune trace de mon
passage chez la Douairière et veillant à bien faire nettoyer la baignoire. Je
m’exécutai tout en respectant ces précieuses recommandations, par respect de
la vieille dame absente.
J’obtenais le résultat escompté pour le tissu puisque j’avais réussi à lui
donner une blancheur totale, après l’avoir fait sécher et repasser par les
ateliers, ce qui avait ravi la Vicomtesse.
Au retour de vacances, la Comtesse Douairière alla se plaindre auprès de
la Vicomtesse. Je ne comprenais pas ce qui s’était passé puisque le nécessaire
avait été fait pour que la baignoire soit dans un état impeccable, sauf que le
flacon du produit utilisé était resté sur le lavabo. Cet oubli avait fait l’objet d’un
grand scandale. Désormais on ne remit plus jamais les pieds chez la Douairière.
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