Page 234 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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Par la suite, j’avais fini par ruser pour éviter ce genre de situation. Je
m’arrangeais toujours avec la complicité des fournisseurs, pour me rendre
directement chez eux le matin et faire quelques pré-sélections de tissus, en
fonction des goûts de mon employeur, ce qui évitait à nous tous de perdre un
temps précieux.
Il y eut ce jour où je n’avais pas réussi à convenir d’un rendez-vous avec la
maison Bucol. Elle tenait pourtant à voir leur nouvelle collection. A force
d’insistance le fournisseur nous avait confié plusieurs liasses d’échantillons de
la dernière collection. Un livreur les déposa, mais elle semblait occupée, et
malgré mes rappels je n’avais pas réussi à les lui montrer. Le fournisseur finit
par s’impatienter et souhaitait récupérer ces échantillons, insistant à plusieurs
reprises, à tel point que je mis la pression pour qu’elle se décida enfin à faire
ses choix, avant que je ne les réexpédie à son destinataire. J’eus enfin une
réponse de sa part et elle me demanda de la rejoindre dans ses appartements
privés. J’escaladais les escaliers jusqu’à ses appartements, avec les liasses de
tissus. Je frappais avant d’entrer, puis me dirigeant vers la salle de bains où elle
se trouvait, je frappais à nouveau avant d’ouvrir la porte et je faillis m’évanouir
avec ces effluves totalement aphrodisiaques qui émanaient de son bain,
m’imaginant qu’elle y avait vidé le flacon entier. J’adoptais une attitude de
totale indifférence lorsqu’elle me fit remarquer que nous avions la chance
d’être entre filles. Seule sa tête dépassait du bain moussant. Je lui présentais
alors les différentes liasses de tissus puis sortant un bras de la mousse
abondante, elle pointa du doigt chaque échantillon souhaité pour que je passe
enfin commande.
C’est ainsi que se fit la sélection de tissus de chez Bucol pour cette
collection, dont les modèles étaient particulièrement réussis.
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