Page 229 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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LE PROTOCOLE







                        Si professionnellement nous étions dans le domaine de la mode et du luxe,
              nos fonctions se déroulaient dans un hôtel particulier et notre hiérarchie
              aristocratique imposait quelques règles. Si nous l’appelions « Madame » il
              fallait toutefois garder le titre de « Vicomtesse » vis-à-vis des tiers.

                        Il était vivement déconseillé, voire scandaleux de se syndicaliser. On
              aurait dû pourtant…. Quant au droit de vote il était préférable de l’orienter vers
              la droite, au risque d’être mal jugé.

                        Il était strictement interdit de se présenter en jeans et cheveux longs
              lâchés. Une tenue correcte, de préférence classique, était vivement conseillée.
              Pour les cheveux longs le catogan était de rigueur, et nous nous inspirions de
              Karl Lagerfeld. Parfois j’avais l’impression d’évoluer dans un pensionnat de
              jeunes filles où la Vicomtesse en était la mère supérieure.

                       Elle m’avait pourtant attribué quelques qualificatifs plutôt flatteurs, tel

              « Mon ange » « Ma Régine » « Ma chérie », et comme je suis d’une nature plutôt
              rebelle, lorsque je fus totalement acceptée et même honorée par toute la
              hiérarchie, pour services inestimables rendus, je me permettais en période de
              collections de volontairement parader en jeans.

                         Il y eut cette aventure mémorable pendant l’une de ses absences, lors
              d’un de ses voyages professionnels. J’achetais une tenue chinoise en coton bleu
              marine, style Mao, dénichée à Belleville, où j’avais d’ailleurs entraîné toute
              l’équipe du studio qui s’était engagée à l’unanimité dans cet achat provocateur.
              J’adoptais cette même tenue lors d’une de nos sorties professionnelles. Elle
              semblait offusquée, mais n’osa pas me faire de remarque. J’étais devenue son
              joujou précieux et indispensable, et s’il fallait faire preuve d’une certaine
              élégance, il ne fallait néanmoins pas lui faire concurrence en matière de tenue
              vestimentaire. Ce jour-là apparaissait que nous étions en totale contradiction.









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