Page 30 - LUX in NOCTE n°1
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-Maman, tout va bien se passer. Prends ces pilules et tu iras mieux ; tu verras, ne

               t’inquiètes pas. Jinou la réconforta avec ces quelques mots et des médicaments
               efficaces ; il l'encouragea à suivre le difficile parcours. Pour l’aider il lui fit voir
               des films de guerre et des exécutions afin de banaliser dans son esprit l'acte de

               donner la mort.
                      Le terrible moment arriva. Par peur de la prison si elle avait abandonné les
               tests, dopée et consciente d'être près du but, elle se présenta avec la gorge sèche,

               livide et le cœur serré à l'adresse indiquée à six heure du matin. Il faisait encore
               nuit ; le froid du début de décembre était pénétrant et amplifié par le vent et la
               pluie verglacée qui tombait depuis une heure environ sur la ville endormie. Elle
               trouva la rue avec difficulté, c'était une impasse et en lisant le numéro indiqué

               constata avec surprise qu'il s’agissait d'une clinique.
                      Avec une main tremblante elle sonna et à la question posée par interphone :

               -C'est pourquoi ? Elle répondit d'une voix rauque, presque en chuchotant :
               - Pour l'exécution.
               -Ah, fit la voix de l'interphone, vous voulez dire pour l'euthanasie !
               -Oui, oui, bien sûr pour cela, dit la vieille femme presque soulagée car il s'agissait

               maintenant  d'un  acte  médical  consenti,  censé  de  soulager  un  malade  de  ses
               souffrances. Il fallait abréger la vie de deux vieux qui souffraient le martyre à
               cause d'un cancer généralisé, sur lesquels les calmants ne faisaient plus d'effet et
   29          qui n'avaient aucun espoir de rémission. De tous les candidats ils n'étaient plus

               que deux à suivre l'épreuve et accepter les défis : un boucher qui avait fait faillite
               et elle ; les autres candidats, une vingtaine, ont déboursé des sommes importantes

               et ont réussi à éviter la prison.
                      Après l'exécution qui consistait dans la mise en marche d'une perfusion, le
               boucher et la vieille femme se trouvèrent à égalité de points ; d'ailleurs, les deux

               ont su convaincre et confié cette tache aux membres des familles présentes : lui,
               à l'épouse et elle, au frère du malade. Après cette façon élégante de résoudre le
               problème, afin de les départager car il n'y avait qu'un poste de disponible, le jury
               décida d'une épreuve supplémentaire.

                      La commission leur laissa entendre que la personne qu'ils allaient tuer serait
               complètement masquée, capturée au hasard dans leur quartier et qu'elle pouvait

               être une connaissance, une relation, même quelqu'un de la famille se trouvant à la
               mauvaise heure au mauvais endroit. Le jury pensa que le terrible caractère de
               l'épreuve finirait par dissuader un des participants à continuer le concours. Mais
               rien ne désarçonna les deux participants qui dans un état second, ayant presque

               besoin de tuer et voulant à tout prix gagner, donnèrent leur accord pour continuer
               le test qui était devenu une horrible compétition.
                      A l'aube du jour suivant elle se présenta à l'adresse indiquée. C'était un local

               délabré près de la voie ferrée qui tremblait au passage de chaque train, entouré
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