Page 31 - LUX in NOCTE n°1
P. 31

d’herbes folles, genre d'endroit utilisé en général par les sans-abris et les drogués.

               Elle  entra  dans  une  première  pièce  où  sur  une  chaise  bancale  se  trouvait  le
               condamné menotté, bâillonné, peut être drogué, complètement masqué et cagoulé,
               impossible de savoir si c'était une femme, un homme, un jeune, un vieux, rien

               n'était  visible  et  on  n'entendait  même  pas  sa  respiration  ou  un  gémissement
               quelconque.
                      La  vieille  femme  eut  brutalement  une  crise  de  conscience,  un  dilemme

               profond.
               -Et si le condamné est Jinou ! Il n’est pas rentré hier soir ! Où est-il allé ? Où a-t-
               il dormi ? Dieu, soyez avec moi ! Que dois-je faire ? Aidez-moi ! Faites que ce ne
               soit pas lui ! Je vous implore !


                       Après quelques secondes d’un vide complet, elle chassa toute pensée et

               avec  le  cœur  palpitant,  accompagnée  d'une  assistante,  elles  amenèrent  le
               condamné  dans  la  salle  avoisinante,  une  vraie  salle  de  torture  et  d'exécution.
               C'était un local sinistre, peint indéfiniment de gris et de marron ; une ampoule
               suspendue  au  plafond  jetait  une  lumière  blafarde  sur  l'armoire  métallique

               contenant les instruments de torture et sur la glace sans tain assez sale derrière
               laquelle se tenait le jury.                                                                       30
                      On attacha le condamné sur une chaise au-dessus d'une rigole servant à

               l'écoulement du sang et on avait mis une muselière spéciale et bien serré à la
               bourrelle, afin qu’elle ne puisse pas communiquer avec le condamné. La vieille
               femme avança péniblement car elle avait presque reconnu dans la démarche du

               prisonnier la façon de se déplacer de son fils et aussi les chaussures de sport qui
               sortaient du sac de camouflage avec lequel on avait habillé le condamné.
                      Cette fois il s'agissait de trancher la gorge de  la victime avec une lame

               parfaitement aiguisée. Avant de sortir, l'aide du bourreau arracha un morceau de
               tissu  et  dévoila  le  cou  du  condamné.  Sans  hésitation  la  bourrelle  reconnut  la
               médaille de baptême de son fils. Tremblante et fiévreuse elle avança.
               Des regards avides se posèrent sur la gorge du condamné, des fronts collèrent à la

               glace  sans  tain,  le  silence  était  marqué  par  des  odeurs  de  transpiration  et  les
               souffles disparurent.

                      Elle prit la lame dont l'acier brilla sauvagement dans la pièce mal éclairée.
               Une lampe rouge s'alluma et clignota lentement au-dessus de la porte. Le silence
               s’était alourdi. Avec un regard fixe, elle s'approcha du condamné qui sentant la
               respiration brûlante de la bourrelle se raidit sur la chaise et essaya de pencher son

               menton pour préserver son cou mais bien attaché à la tête il ne put rien faire. Les
               muscles se contractèrent et la tension devenue insoutenable frôla le paroxysme.
                      D'un geste bref, la femme leva le bras faisant siffler l'air et resta une seconde

               pétrifiée dans cette position. Ensuite le bras descendit très vite et la lame finit avec
   26   27   28   29   30   31   32   33   34   35   36