Page 557 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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22. BLÉOMYCINES                                         515

              7.2.  INTERACTION AVEC L'ADN
              L'efficacité de ce système en tant que « nucléase » est due pour partie à la bonne affinité
              de la molécule de bléomycine pour l'ADN. Cette affinité repose sur les propriétés d'inter-
              calation (au moins partielle) de la partie bithiazole au niveau des paires GC dans l'ADN
              et sur l'interaction de nature électrostatique entre la charge cationique de l'amine termi-
              nale (groupe sulfonium dans la BLM A, et guanidinium dans la BLM B,) et la charge
              an ionique des phosphates de l'ADN. L'interaction a lieu au niveau du petit sillon de l'ADN.
               C'est l'association dans une même structure d'une partie à forte affinité pour l'ADN
              et d'une entité capable de produire des espèces à haute réactivité qui permettra à la
              molécule de bléomycine de créer sur l'ADN avec une bonne efficacité des dégâts oxy-
              datifs responsables de son activité biologique (cf. figure 5).












              Figure 5 :  Schéma de l'interaction de la bléomycine avec !'ADN

              7.3.  CHIMIE DE LA COUPURE DE L'ADN
               La chimie de la coupure du brin d'ADN est maintenant bien connue (cf. figure 6). La
              lésion oxydative initiale consiste en l'arrachement d'un radical H· sur le carbone 4' du
              désoxyribose (la liaison C.-H est orientée vers le petit sillon de I'ADN) conduisant à un
              intermédiaire radicalaire commun à deux voies correspondant chacune à une évolution
              différente de ce radical selon les conditions et notamment selon la concentration en
              oxygène:
              - la voie oxygéna-dépendante (voie A) conduit à un radical peroxyle puis à un hydroper-
               oxyde qui entraine un réarrangement avec ouverture du cycle du désoxyribose et
               coupure de l'enchainement sucre-phosphate de l'ADN. Les produits de cette réaction
               sont un phosphate à l'extrémité 5' du brin d'ADN au niveau de la lésion, un résidu
               phosphoglycolique à l'extrémité 3' et une base propènal (base+ fragment tricarboné
               représentant le résidu du désoxyribose oxydé) ;
              - dans la voie non oxygéna-dépendante (voie B), le radical créé en position 4' est
               hydroxylé (par exemple par l'espèce HO-Fe"BLM produite lors de l'arrachement initial
               de H, par O=Fe'BLM, et par analogie avec le cycle du cytochrome P 450), ce qui
               entraine la libération spontanée dans le milieu de la base libre appartenant au nucléo-
               tide oxydé. Une étape supplémentaire conduit, par catalyse basique, à la réaction de
               coupure du brin d'ADN.
               La vole A nécessite la présence d'oxygène moléculaire en concentration supérieure à
              celle strictement nécessaire pour former l'espèce « bléomycine activée », la voie B ne
              nécessite pas d'oxygène supplémentaire et ne conduit à une coupure qu'en condition
              suffisamment alcaline.
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