Page 685 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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30. ALCALOIDESINDOLIQUES DOUBLESETDÉRIVES- VINCA ALCALOIDES ·)
ce type de produits. Il existe ainsi in vitro des différences de cytotoxicité selon la lignée
cellulaire essayée et in vivo selon le type de tumeur expérimentale, laissant à penser à
des sites d'action multiples. De même, chez l'Homme les tumeurs sont différemment
sensibles vis-à-vis des produits utilisés. Ceci souligne l'importance de la pharmacociné-
tique pour comprendre les différences d'activité observées entre les produits.
D'une façon générale ces alcaloïdes provoquent un arrêt de la mitose au stade de la
métaphase avec absence de fuseau mitotique, les chromosomes restant dispersés dans
le cytoplasme. La vinorelbine agit également au stade de la prophase. L'effet se mani-
feste à de très faibles doses, de l'ordre de 10M sur des lignées cellulaires sensibles.
Un bon indice d'activité cytotoxique est la dépression, voire la disparition, de l'activité
de la télomérase dans les cellules cancéreuses.
Des phénomènes de résistance existent pour certaines lignées cellulaires, principale-
ment du type MOR par hyperexpression de la glycoprotéine P membranaire, dans une
certaine mesure réversible en présence de vérapamil, ou liés à des mutations de la cible
c'est-à-dire les protéines de la tubuline. Contrairement aux intercalants, la résistance n'est
pas liée à des mutations du gène de la protéine p53. Il ne semble pas y avoir de résistance
croisée entre les produits de cette série utilisés actuellement, mais elle existe avec d'autres
antitumoraux tels que les anthracyclines, l'étoposide, les taxoïdes et la mitoxantrone.
5.2. AUTRES ACTIVITÉS
Des activités systémiques diverses, mais assez variables d'un produit à l'autre, ont été
mises en évidence, éventuellement responsables de manifestations toxiques ou d'effets
secondaires indésirables.
Ainsi il existe une interférence de la vinblastine avec le métabolisme du glutamate
observée in vitro et confirmée in vivo pouvant conduire à des dysfonctionnements du
SNC. De même, une inhibition jusqu'à 50 % de la sécrétion biliaire des lipides (phospha-
tidylcholines) et diminution de la cholérèse est imputée à la vindésine, d'où un risque
hépatique potentiel.
6. MÉCANISME D'ACTION
Les vinca-alcaloïdes agissent in vitro sur la tubuline selon des modalités différentes en
fonction de la concentration : à la concentration de 0,1 M ils provoquent une inhibition
de la dynamique de l'assemblage de la tubuline en microtubules ; à une concentration
plus élevée (40-100 M) ils induisent l'autoassociation de la tubuline en filaments spira-
lés, formant secondairement des paracristaux par empilement latéral. Ces phénomènes
requièrent par ailleurs la présence de protéines associées aux microtubules (MAPs), de
cations divalents (Ca', Mg) et l'intervention de nucléotides, notamment du GTP et du
GDP, agissant comme effecteurs allostériques sur la fixation des alcaloïdes à la tubuline.
Les effets in vivo sur la division cellulaire sont également fonction de la concentration :
à 6 nM il y a inhibition de la constitution des filaments du fuseau tandis qu'à 25 µM c'est
celle des microtubules kinétochoriens qui est bloquée. À une concentration inférieure à
10 nM l'affinité pour la tubuline est parallèle à l'activité cytotoxique, supérieure pour la
vincristine par rapport à la vinblastine, mais les différents produits ne sont pas stricte-
ment équivalents dans leur activité sur l'autoassoclation de la tubuline. La tubuline axo-
nale des neurones est moins sensible à l'action des vinca-alcaloides, avec toutefois des
différences significatives dans leurconcentration active (vinblastine : 30 M ;vincristine:
5 µM ; vinorelbine : 40 µM) qui peut être mise en parallèle avec leur neurotoxicité.