Page 780 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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738   MODIFICATEURS DE LA REPONSE IMMUNITAIRE, VACCINS, ANTICORPS MONOCLONAUX


                L'immunotoxine LMB-2 est une protéine de fusion ciblant le récepteur C25 associée
              à une forme tronquée d'ETA comme entité toxique. Des réponses ont été observées dans
              le traitement de diverses tumeurs hématologiques comme les leucémies lymphoïdes
              chroniques, les leucémies à tricholeucocytes, les lymphomes cutanés à cellules T, les
              leucémies à cellule T de l'adulte, la maladie de Hodgkin.
                Le conjugué DT4a-GM-CSF est une protéine de fusion recombinante associant la
              toxine diphtérique (fragment) au facteur de croissance humain GM-CSF et cible le
              récepteur à ce facteur.
              3.3.  COUPLAGE ANTICORPS-ENZYMES - STRATÉGIE ADEPT
              La stratégie dénommée ADEPT, pour Antibody-Directed Enzyme Prodrug Therapy, uti-
              lise la vectorisation d'une enzyme, sous forme d'un conjugué anticorps monoclonal-
              enzyme (ou d'une protéine de fusion), vers la cellule tumorale en mettant à profit les
              antigènes préférentiellement exprimés à sa surface. Dans une seconde phase, une pro-
              drogue peu ou pas toxique est administrée par voie générale, l'agent cytotoxique est
              alors sélectivement libéré sous l'action de l'enzyme au niveau des cellules tumorales où
              il pourra être internalisé par diffusion passive.
                Le choix de l'anticorps, de l'enzyme et de la prodrogue doit répondre à diverses
              contraintes :
               • choix de l'anticorps : spécificité, humanisation si possible, pas de possibilité d'inter-
                nalisation ;
               • choix de l'enzyme : elle doit catalyser une réaction non réversible, ne pas nécessiter
                de cofacteur, être différente d'une enzyme endogène circulante, sans interaction
                 avec des substrats endogènes et présenter activité et stabilité à 37 °C. Il est fait appel
                 essentiellement à trois classes d'enzymes : enzymes de micro-organismes sans ana-
                 logues chez l'Homme (cytosine désaminase, bêtalactamase...) mais présentant
                 l'inconvénient d'induire une réponse immune, enzymes de micro-organismes avec
                 analogues chez l'Homme (B-glucuronidase), enzymes de mammifères (phosphatase
                 alcaline, carboxypeptidase A...) mais l'activation des prodrogues ne peut être spéci-
                 fique au niveau de la tumeur.
                 Le couplage anticorps-enzyme peut être obtenu par :
                 - conjugaison chimique : il est fait appel à des agents de couplage bifonctionnels,
                   par exemple insertion d'un groupement maléimide puis couplage à des résidus
                   lysine ou thiol de la protéine native. La liaison thioéther, plus stable, est préférable
                   au pont disulfure car 72 h peuvent s'écouler entre l'administration du conjugué et
                   celle de la prodrogue ;
                 - protéine de fusion : elle associe les chaînes lourdes d'anticorps monoclonaux chi-
                   mériques ou humanisés dirigés par exemple contre l'antigène carcinoembryon-
                   naire (tumeurs digestives), la mélanotransferrine (surexprimée à la surface des
                   mélanomes et des carcinomes), l'antigène p185 (métastases de cancer du sein)
                   et la B-lactamase (d'origine bactérienne) ou la [-glucuronidase humaine. Elle
                   est exprimée dans divers systèmes eucaryotes (E. coli) ou chez la souris trans-
                   génique;
               • choix de la prodrogue : de très nombreux exemples de prodrogues ont été rapportés
                 dans la littérature et concernent plus ou moins tous les agents antitumoraux
                 (méthotrexate, moutardes à l'azote, alcaloïdes des Vinca, taxol, étoposide, carbopla-
                 tine, mitomycine C...). Leur activation fait appel à une grande variété d'enzymes
                 (cf. ci-dessus). A titre d'exemple, la figure 7 présente trois types de prodrogues de la
                 doxorubicine, substrats de trois types d'enzymes.
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