Page 87 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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CHAPITRE 3



                  AGENTS ALKYLANTS                                 • •

                            GÉNÉRALITÉS



                             COORDONNATEUR : J.-D. BRION






              Les agents ciblant l'ADN représentent une des classes les plus importantes d'agents
              antitumoraux. Leur mécanisme d'action permet de définir deux familles de composés :
              d'une part, ceux qui se lient de façon covalente à l'ADN, généralement désignés sous le
              nom d'« alkylants » et d'autre part ceux qui induisent ou stabilisent ses coupures.
                Les agents alkylants comptent parmi les cytotoxiques les plus anciennement utilisés
              en thérapeutique. Ces molécules constituent les premiers exemples d'une recherche
              systématique dans le domaine du médicament. Généralement, il s'agit de molécules
              bifonctionnelles qui forment de puissants électrophiles réagissant avec des entités
              nucléophiles présentes sur l'ADN, mais aussi sur des protéines. Il en résulte entre autres,
              des pontages sur un même brin d'ADN ou entre les deux brinsd'un même ADN ou d'ADN
              différents (figure 1) ou encore des liaisons acide nucléique-protéine. L'alkylation de
              l'ADN, en empêchant la réplication et la transcription, aboutit indirectement à la mort
              cellulaire selon des mécanismes développés dans le chapitre 1. Cependant, des enzy-
              mes de réparation sont susceptibles de procéder au remplacement des parties défec-
              tueuses de l'ADN et d'être à l'origine de résistances cellulaires.

              1.   LES DIFFÉRENTES FAMILLES D'ALKYLANTS
              Les pharmacophores des alkylants, présentés dans le tableau 1, correspondent aux huit
              familles que constitue cette classe de cytotoxiques :
              - les moutardes à l'azote ;
                les oxazaphosphorines dont le cyclophosphamide et l'ifosfamide;
                les aziridines (ou éthylènes-imines) avec le thiotépa et la mitomycine ;
                les nitrosourées (carmustine, lomustine ...) utilisées en raison de leur caractère lipo-
                phile, dans le traitement des tumeurs cérébrales (gliomes) ;
                les sulfonates d'alkyle dont le busulfan administré dans le traitement de la leucémie
               chronique granulocytaire ;
                les triazènes (dacarbazlne) qui agissent après activation métabolique (= prodrogues)
               ou non;
              - la mitomycine C citée ici au titre de représentant historique des cytotoxiques actifs
               après bioréduction cellulaire. Le concept d'agents bioréductlbles est assez largement
               étudié puisque la tumeur se trouvant dans un état hypoxique, ils sont censés cibler
               plus spécifiquement la cellule tumorale. Les techniques mises en œuvre peuvent être
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