Page 108 - Chimie organique - cours de Pau 2- Brigitte Jamart
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Chapitre 4 ■ La structure électronique des molécules
Aucune de ces deux formules ne décrit la structure réelle de la molécule. Ainsi, l'expérience montre
p
que les six liaisons carbone-carbone du cycle sont identiques, et ne sont ni simples, ni doubles. Une
preuve entre autres, en est donnée par le fait qu'elles ont toutes la même longueur (0,146 nm), inter-
hap. 2,
médiaire entre celle des liaisons simples (0,154 nm) et celle des liaisons doubles (0,135 nm). § 2.4.1
Cela peut s'expliquer en considérant que les trois doublets T ne sont pas localisés sur trois liaisons
particulières du cycle, mais délocalisés sur l'ensemble de ses six liaisons. Comme ces trois doublets
ne peuvent, statistiquement, se trouver que la moitié du temps sur chacune de ces six liaisons, on dit
que celles-ci sont « partiellement doubles», ou encore qu'elles sont « intermédiaires entre une liaison
simple et une liaison double».
4.4.1 La mésomérie
Les formules de Lewis habituelles ne permettent pas de représenter ce type de situation. La représen-
tation d'un doublet (par un tiret, ou par deux points) suppose en effet qu'on le localise, soit sur •
§ 4.2.1
atome déterminé, soit sur une liaison déterminée. Dans ces conditions, une liaison ne peut être repré-
sentée que simple, double ou triple, et le cas d'une liaison d'un type intermédiaire n'est pas «prévu ».
La mésomérie est un procédé qui permet de décrire la délocalisation des électrons en utilisant des
formules de Lewis « ordinaires ». Une molécule comportant des électrons délocalisés est décrite par
l'ensemble de deux ou plusieurs formules de Lewis, dans lesquelles les électrons sont tous localisés,
soit sur un atome, soit sur une liaison. Ces formules différent uniquement par la localisation de certains
électrons, et elles décrivent le même enchaînement d'atomes. On les appelle formes limites ou formes
mésomères ; il y a entre elles mésomérieou résonance. On les sépare, dans l'écriture, par le signe >.
L'existence de structures dans lesquelles certains électrons ne peuvent pas être localisés est un fait
réel, mais la mésomérie n'est qu'un procédé artificiel permettant de décrire cette situation avec une
assez bonne approximation.
Exemple
L'ortho-xylène est représenté par l'ensemble des deux formules déjà évoquées.
j
Les formes limites utilisées pour décrire une molécule sont purement formelles et fictives, et
aucune ne représente une espèce physiquement existante. La molécule réelle est un hybride de réso-
nance (on dit aussi, plus simplement « hybride ») del' ensemble des formes limites par lesquelles on
la représente. Sa structure correspond à une sorte de « moyenne » entre les structures des formes
p
limites, et cette moyenne est pondérée, c'est-à-dire que chaque structure limite y intervient avec un
certain « poids »; plus ce poids est grand, plus le degré de ressemblance de la molécule réelle avec une
§ 4.4.1.b
structure limite est grand. Souvent l'une des formes limites a un poids nettement plus grand que celui
des autres, ce qui justifie, dans la pratique, l'utilisation d'une seule forme limite lorsque rien ne néces-
site une description plus complète d'une molécule. Ainsi la formule « usuelle » du chlorure de vinyle
est CH,=CH CI, bien que cette molécule soit en fait un hybride de deux structures limites:
•• ,, +
{CH = CH - Cl: ____. CH - CH= Cl:}
2
2··
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