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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                    Ce livre, au fond, n’est pas un manifeste de neuroergonomie, mais
                  de neuromimétisme. Car la neuroergonomie, comme toute science,
                  est moralement neutre, et l’on peut en faire le meilleur comme le
                  pire. Pour comprendre où va n’importe quelle technologie, qu’il
                  s’agisse de la physique nucléaire, de l’intelligence artificielle, des
                  nanotechnologies, des biotechnologies, ou des neurotechnologies,
                  il suffit de poser la question : qui sert qui ? Si c’est la technologie
                  qui sert l’humanité, tout va bien. Si c’est l’humanité qui sert la
                  technologie, rien ne va plus.
                    Quelques bons ouvrages ont été écrits sur la neuroergonomie,
                  comme le traité de Parasuraman Neuroergonomie : mettre le cer-
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                  veau au travail  ou le Neuroergonomie : une approche aux facteurs
                  humains et à l’ergonomie par les neurosciences cognitives, sous la
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                  direction d’Addie Johnson et Robert Proctor . Mais aucun d’entre
                  eux ne traite la question du « pourquoi ». Une technologie n’a
                  aucune valeur sans pourquoi. Si la neuroergonomie est l’art de tirer
                  de meilleures performances du cerveau, dans quel but le fait‑ elle ?
                    Nos nerfs ne sont pas faits pour être pressés, brûlés, exploités.
                  La neuroergonomie n’est pas faite pour que des individus ou des
                  organisations puissent un jour tirer un maximum de jus de nos
                  cerveaux. En est‑ on si loin ? Aujourd’hui, on parle déjà du métier
                  de consultant comme d’un commerce de « jus de cerveau ». La
                  neuroergonomie sert à nous rendre conscients que nous avons un
                  cerveau, qu’il a une certaine forme, comme nos mains, notre dos
                  en ont une, et que de même que certains travaux lourds et répéti‑
                  tifs peuvent nous causer une hernie discale, un syndrome du canal
                  carpien ou une scoliose, certaines pratiques mentales, certains envi‑
                  ronnements, certaines pressions peuvent l’endommager. N’importe
                  qui sur terre doit pouvoir refuser qu’on lui torde le cerveau, car
                  c’est un droit humain, sacré et fondamental.

                  Défense des neurodroits
                    Je n’ai donc écrit ce livre que pour une raison : que n’importe qui,
                  n’importe quand, puisse le citer, comme on cite une Constitution


                    1.  Parasuraman, R., Neuroergonomics : The Brain at Work, Oxford University Press,
                  États‑ Unis, 2006.
                    2.  Johnson, A. et Proctor, R. Neuroergonomics : A Cognitive Neuroscience Approach
                  to Human Factors and Ergonomics, Palgrave Macmillan, 2013.

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