Page 223 - 266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd
P. 223
LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
pour prendre réellement conscience de notre ergonomie corporelle.
Sachant que nous avons observé les neurones pour la première fois
il y a environ un siècle et demi, je vous laisse imaginer les progrès
qu’il nous reste à faire dans la prise de conscience de notre propre
ergonomie neuronale.
Le nerf est sacré
Si l’humanité d’aujourd’hui était un être de cent ans, une année
ne représenterait que quatre heures de sa vie. La bataille de Stalin‑
grad ne serait vieille que de dix jours, et on pourrait donc dire tout
naturellement qu’il y a dix jours, l’humanité n’avait pas de scrupule
à broyer des milliers de tonnes de sa propre chair avec une détermi‑
nation et une efficacité industrielles. Tout se passe comme si nous
n’avions pas encore pris conscience de notre propre sacralité. Or,
la chair humaine a de plus nobles raisons d’être que les tranchées
et les munitions à haut pouvoir explosif. J’espère seulement qu’il
nous faudra moins d’une journée pour en prendre conscience.
L’homme n’a jamais été capable de créer une nature ; il ne sait
même pas, en réalité, comment créer une seule cellule vivante.
En brûlant la nature, il brûle ce qu’il ne comprend pas, ce qui
est malsain et immature : à brûler aujourd’hui ce qu’on pourrait
comprendre demain, on marche sur son futur. C’est pourtant ce
que l’on fait aujourd’hui de la nature extérieure et de notre nature
intérieure : notre chair, notre cerveau, que l’on sacrifie au nouveau
Baal‑ Industrie. En ce sens, il y a un rapport direct entre le biomi‑
métisme, qui observe et préserve la nature en s’en inspirant, et le
neuromimétisme, qui fait de même avec les nerfs.
L’art de ne pas marcher sur son futur, c’est l’art du développe‑
ment durable, qui est à l’intersection du développement écono‑
mique, social et écologique. Mais la neuroergonomie, on l’a vu, a
elle aussi des choses à dire du développement économique et social,
elle est une composante incontournable de notre développement
durable. Au même titre que le biomimétisme, le neuromimétisme
peut nous aider à ne pas piétiner notre futur et à nous libérer
de nous‑ mêmes, car on ne saurait respecter la nature extérieure
qu’une fois sacrée notre nature intérieure. Au fond, nos nerfs ne
sont jamais que des filandres de mer diluée : ils sont la nature écrite
en nous, son empreinte.
222
266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd 222 02/09/2016 14:39:03