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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  pour prendre réellement conscience de notre ergonomie corporelle.
                  Sachant que nous avons observé les neurones pour la première fois
                  il y a environ un siècle et demi, je vous laisse imaginer les progrès
                  qu’il nous reste à faire dans la prise de conscience de notre propre
                  ergonomie neuronale.

                  Le nerf est sacré
                    Si l’humanité d’aujourd’hui était un être de cent ans, une année
                  ne représenterait que quatre heures de sa vie. La bataille de Stalin‑
                  grad ne serait vieille que de dix jours, et on pourrait donc dire tout
                  naturellement qu’il y a dix jours, l’humanité n’avait pas de scrupule
                  à broyer des milliers de tonnes de sa propre chair avec une détermi‑
                  nation et une efficacité industrielles. Tout se passe comme si nous
                  n’avions pas encore pris conscience de notre propre sacralité. Or,
                  la chair humaine a de plus nobles raisons d’être que les tranchées
                  et les munitions à haut pouvoir explosif. J’espère seulement qu’il
                  nous faudra moins d’une journée pour en prendre conscience.
                    L’homme n’a jamais été capable de créer une nature ; il ne sait
                  même pas, en réalité, comment créer une seule cellule vivante.
                  En brûlant la nature, il brûle ce qu’il ne comprend pas, ce qui
                  est malsain et immature : à brûler aujourd’hui ce qu’on pourrait
                  comprendre demain, on marche sur son futur. C’est pourtant ce
                  que l’on fait aujourd’hui de la nature extérieure et de notre nature
                  intérieure : notre chair, notre cerveau, que l’on sacrifie au nouveau
                  Baal‑ Industrie. En ce sens, il y a un rapport direct entre le biomi‑
                  métisme, qui observe et préserve la nature en s’en inspirant, et le
                  neuromimétisme, qui fait de même avec les nerfs.
                    L’art de ne pas marcher sur son futur, c’est l’art du développe‑
                  ment durable, qui est à l’intersection du développement écono‑
                  mique, social et écologique. Mais la neuroergonomie, on l’a vu, a
                  elle aussi des choses à dire du développement économique et social,
                  elle est une composante incontournable de notre développement
                  durable. Au même titre que le biomimétisme, le neuromimétisme
                  peut nous aider à ne pas piétiner notre futur et à nous libérer
                  de nous‑ mêmes, car on ne saurait respecter la nature extérieure
                  qu’une fois sacrée notre nature intérieure. Au fond, nos nerfs ne
                  sont jamais que des filandres de mer diluée : ils sont la nature écrite
                  en nous, son empreinte.


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