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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  est mauvais pour vous et mauvais pour la nature est bon marché :
                  qui a conçu ce système ? »
                    Il en va de même de l’éducation : tout ce qui est bon pour notre
                  cerveau est cher. L’éducation brutale, élitiste et castratrice est bon
                  marché, l’éducation sur mesure, basée sur le mentorat plutôt que la
                  pédagogie industrielle, est chère. Aujourd’hui, à tarif égal, à quelle
                  université un étudiant de Singapour désirerait‑ il s’inscrire : Paris‑
                  Saclay ou Stanford ? Stanford, bien sûr, parce que, au prix où on
                  en paye l’enseignement, elle est infiniment plus ergonomique que
                  Paris‑ Saclay. J’espère qu’à mesure que vieillira ce livre, la réponse à
                  cette question ne sera plus si évidente, Paris‑ Saclay ayant l’insigne
                  avantage de ne pas endetter ses étudiants sur trente ans pour leur
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                  dispenser ses savoirs .
                    L’idée que ce qui est bon pour l’environnement et notre santé
                  doit être intrinsèquement moins cher est une pensée dissonante.
                  Nos conditionnements d’antan nous ont persuadés que l’abondance
                  était un péché, une utopie, et qu’on ne pouvait l’obtenir sans sacri‑
                  fier la nature. Il en va de même pour la neuro‑ inspiration : ce qui
                  est bon pour nos nerfs et bon pour nous devrait être moins coûteux,
                  mais ce message entre en contradiction directe avec nos modes de
                  gestion des ressources humaines, trop souvent basés sur la souf‑
                  france. Le message économique essentiel du neuromimétisme, c’est
                  qu’un humain épanoui est plus productif. Mais si l’avènement de
                  ce principe est tout aussi inévitable que celui du biomimétisme,
                  comme toutes les révolutions, il devra passer par trois étapes dans
                  la conscience formatée des gens : il paraîtra d’abord ridicule, puis
                  dangereux, puis évident.
                    Le neuromimétisme, au fond, n’est pas une idée neuve, et si je
                  propose les termes de neuromimétisme (neuromimicry), neuromi‑
                  métique (neuromimetics) et neurosagesse (neurowisdom), c’est pour
                  nommer respectivement un mouvement, une science et une sagesse
                  que l’on trouvait déjà chez Aristote. Mais la participation avérée,
                  ces dernières générations, de certains membres de communautés
                  savantes à des actes inhumains, nous montre qu’il y a urgence :
                  nous devons sortir de notre brillante inhumanité. Il est dangereux


                    1.  Mais après tout, une licence de Stanford demeure moins chère qu’une licence
                  de chauffeur de Taxi en 2010.

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