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NEURONAISSANCE
moins d’une vie la somme de millénaires de recherche scientifique :
cela signifie que toutes ces notions qui ont nécessité des siècles de
recherche demeurent à la simple portée de quelques transforma‑
tions mentales seulement, de notre imagination.
Vous ne connaissez pas vos neurones ?
D’autres les connaîtront pour vous
La neuronaissance passe aussi par le corps, associé à l’infor‑
matique, et dans ce domaine, les risques de neurofascisme sont
particulièrement importants. Nous entrons peu à peu dans l’aire
du wearable computing (littéralement : « informatique portable »),
celle du Post‑ Post‑ PC, qui rapproche de plus en plus l’ordinateur de
la peau humaine, jusqu’à la traverser parfois (c’est le cas des pace‑
makers). Il n’y a pas d’intimité sans vulnérabilité, or l’informatique
est en train de devenir de plus en plus intime, quitte à nous rendre
vulnérables. Le hacker néo‑ zélandais Barnaby Jack, retrouvé mort
dans des circonstances troubles à San Francisco le 25 juillet 2013
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à l’âge de trente‑ cinq ans, était capable de Pwner un distributeur
automatique de billets de banque comme une pompe à insuline
ou un pacemaker. Concrètement, il était capable d’administrer la
mort ciblée en faisant de l’informatique une arme par destination.
Dans un futur plus ou moins proche, le monde pourrait bien
devenir cet endroit atroce où la conjonction des lois du marché et
des neurotechnologies déposséderait l’homme de son intégrité phy‑
siologique . Techniquement, c’est envisageable. Et à la source de ce
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cauchemar, il y a l’antisagesse fondamentale par laquelle l’homme
se prend lui‑ même au piège de ses propres systèmes.
Bientôt, les substances nootropes, ou dopants cognitifs, ces pilules
capables d’altérer une performance cognitive donnée , poseront ce
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genre de problème, selon un phénomène que les économistes nom‑
ment la « tragédie des communs ». Si le dopage rend un culturiste
1. Pénétrer et contrôler un système informatique.
2. En science‑ fiction, il existe une littérature spécifique pour décrire ce monde‑ là :
le cyberpunk.
3. C’est à dessein que je n’emploie pas le terme « améliorer ». Car l’amélioration
n’est pas un fait mais une perspective. Toute amélioration présuppose un cadre. Dans
celui de la nature, si notre cerveau a cette forme, ce n’est pas un hasard, puisqu’il s’est
mis en adéquation avec une grande diversité d’écosystèmes précis dans lesquels ce que
nous appelons « amélioration » n’était pas requis.
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