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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa
                  réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre
                  de telles immixtions ou de telles atteintes. »
                    Aujourd’hui, les États, les institutions, les entreprises sont à la
                  fois les mieux équipés et les plus conscients du potentiel des data‑
                  somes. Un hedge fund, par exemple, gagnerait beaucoup à connaître
                  les comportements possibles de ses investisseurs, leurs tendances
                  et leur santé. Une compagnie d’assurance aurait quant à elle le
                  plus grand intérêt à savoir précisément le risque qu’elle assure. Or,
                  c’est à la société civile de se connaître elle‑ même, davantage que
                  l’État ou les entreprises ne la connaissent. C’est ce principe‑ là qui
                  fonde le neurolibéralisme dans son sens philosophique : de même
                  que l’on doit garantir, coûte que coûte, les libertés individuelles,
                  il faut garantir à tout prix l’intégrité individuelle de nos nerfs et
                  de leur empreinte neuronale, bien plus vaste et informative que
                  l’empreinte digitale, rétinienne, ou n’importe quelle autre donnée
                  biométrique actuelle.
                    En d’autres termes, si vous ne connaissez pas vos neurones,
                  d’autres les connaîtront pour vous. Il y a là un risque de neuro‑
                  fascisme. Et la seule chose qui puisse préserver du neurofascisme,
                  c’est une majorité consciente de sa neuroergonomie, c’est‑ à‑ dire de
                  l’empreinte de ses neurones au travail. Si c’est le cas, l’humanité est
                  saine et sauve ; si ça ne l’est pas, sa souffrance ne connaîtra pas de
                  limite, car l’homme est particulièrement talentueux quand il s’agit
                  de tirer des sons stridents et atroces des nerfs d’autrui. Si quelques
                  membres de l’American Psychological Association (sanctionnés
                  depuis, mais guère à la hauteur de leurs vices) ont formellement
                  participé au programme de torture de la CIA, c’est qu’ils connais‑
                  saient suffisamment le fonctionnement du cerveau pour chercher
                  à susciter chez lui une posture cognitive intensément douloureuse
                  ou pénible, et ce de façon reproductible et scientifique.

                  Sacrifices humains
                    Dès 1921, l’Union soviétique établit un programme de test de
                  poisons sur sujets humains dans un centre appelé plus tard Kamera
                  (la chambre). Il y eut aussi l’exercice nucléaire de Totskoye en 1954,
                  conduit par le maréchal Joukov, qui compromit la santé de plus
                  de quarante‑ cinq mille soldats.


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