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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  Cheikh Khaled Bentounès, essayé d’en trouver un à leur mort. Le
                  premier massacre fait douze victimes et vient facilement renforcer
                  le modèle du choc civilisationnel. Son écho est immense, et par
                  écho j’entends sa mémoire et la durée des réactions qu’elle suscite.
                  De même pour les attentats du 13 novembre, qui font cent trente
                  morts.
                    Le massacre de la Germanwings est douze fois plus meurtrier
                  que le premier, et il est basé sur les mêmes motivations (don‑
                  ner du sens à sa mort), mais n’aboutit pas au renforcement d’un
                  modèle. Il reste plus meurtrier, cependant, que les deux attentats
                  idéologiques réunis. Bien évidemment, son effet de sidération est
                  très inférieur aux leurs, parce que le biais de confirmation est un
                  puissant ressort d’aveuglement cognitif : on se souviendra mieux
                  des attentats idéologiques que du crash, parce que le crash ne vient
                  pas conforter un système de pensée sidérant.

                  Les leçons de Rosenhan
                    La communauté scientifique n’est pas à l’abri du biais de confir‑
                  mation. Une des expériences qui l’a prouvé avec le plus d’éclat est
                  celle de David Rosenhan.
                    Au début des années 1970, ce professeur à Stanford décida de
                  tester la fiabilité et l’objectivité du diagnostic psychiatrique. Pour
                  cela, il mit au point une expérience dans laquelle il envoya huit
                  sujets sains (trois femmes et cinq hommes, dont lui‑ même) se
                  faire interner volontairement dans différents hôpitaux psychia‑
                  triques des États‑ Unis. C’étaient aussi bien des institutions rurales
                  mal financées que des établissements universitaires réputés, et il
                  y avait même une clinique privée considérée comme excellente.
                  Là‑ bas, les sujets devaient feindre des symptômes d’hallucinations
                  auditives, typiques du diagnostic de la schizophrénie. Aussitôt
                  internés, ils devaient se comporter à nouveau normalement, en
                  expliquant qu’ils se sentaient mieux et n’avaient plus d’halluci‑
                  nations. Le but de cette manœuvre était d’étudier le temps de
                  réaction des services médicaux et de déterminer à quel moment
                  ils se rendraient compte qu’ils avaient entre les mains des sujets
                  sains d’esprit.
                    Or jamais les patients ne parvinrent à convaincre le person‑
                  nel qu’ils n’étaient pas malades. Pour sortir, ils durent admettre


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