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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
qui seraient soumis malgré eux à diverses doses de psychotropes,
dont du LSD. On étudia leur comportement à travers des miroirs
sans tain, et on put tester facilement des techniques de chantage
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sexuel grâce à ces sujets relativement abondants . Midnight Climax
fut d’ailleurs l’un des vecteurs d’introduction du LSD en Californie
du Nord, une drogue qui allait contribuer à incuber la contrecul‑
ture psychédélique, si décisivement impliquée dans la révolution
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du PC commercial .
À l’heure où j’écris ces lignes, Wikipedia consacre une page
entière à l’entrée « Unethical Human Experimentation in the
United States » ; elle est un témoin parmi d’autres de la terrifiante
liste des atrocités commises au nom de la sécurité nationale, de la
guerre ou de la médecine, dont les États‑ Unis, par ailleurs, n’ont
jamais eu le monopole.
Les sacrifices humains, hélas, sont loin d’avoir disparu, seuls les
dieux ont changé. Et il ne fait aucun doute que l’humanité, qui n’a
jamais hésité à utiliser la médecine, la chimie ou la psychologie
contre elle‑ même, utilisera aussi les neurosciences pour s’asservir.
C’est d’ailleurs déjà le cas.
Jonathan Marks, professeur de bioéthique à l’Université d’État
de Pennsylvanie et avocat à Londres, disait récemment dans
l’American Journal of Law and Medicine sa conviction profonde
que l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) était
employée aux États‑ Unis comme détecteur de mensonge. Il serait
possible, par exemple, de placer un « terroriste » présumé dans
une IRM, de le curariser afin de rendre sa respiration volontaire
impossible, de le maintenir en vie sous assistance respiratoire, puis
de lui poser des questions tout en identifiant chez lui des corrélats
neuronaux calibrés du mensonge . À chaque mensonge, on ferait
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1. Voir entre autres Goliszek, A., In the Name of Science : A History of Secret Programs,
Medical Research, and Human Experimentation, St. Martin’s Press, 2003 ; Otterman, M.,
American Torture : From the Cold War to Abu Ghraib and Beyond, Melbourne University
Press, 2007. Une pièce de théâtre a également été inspirée de ces événements : Bell, N.,
Operation Midnight Climax : A Play (Dramatists Play Service), 1982.
2. L’engouement de la CIA pour le contrôle chimico‑ comportemental des esprits
a bien été une des influences de la contre‑ culture beatnik, dont un des représentants
industriels, Steve Jobs, déclara que la consommation d’acide avait été une de ses ins‑
pirations les plus marquantes. Markoff, J., What the Dormouse Said : How the Sixties
Counterculture Shaped the Personal Computer Industry, Penguin Publishing Group, 2005.
3. « High tech interrogations may promote abuse », Penn State News, 2008.
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