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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  des deux idiots a le mérite de mettre ses arguments sur le tapis et
                  de les exposer à l’esprit critique ; ce faisant, il se rend lui‑ même
                  conscient de ses biais et préjugés. À l’inverse, celui qui les entre‑
                  tient sans les admettre n’est même pas encore prêt à les entendre .
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                    De nos jour, ce sont les États‑ Unis qui ont la meilleure politique
                  de vulgarisation scientifique au monde. En Amérique, le temps
                  moyen entre une découverte fondamentale et sa connaissance
                  populaire me semble parmi les plus courts sur terre. Le traitement
                  des sciences y est très différent de celui que nous leur réservons en
                  Europe latine. Si l’on compare des journaux italiens ou français à
                  un quotidien comme The Guardian, on sera frappé de la différence
                  de profondeur dans le traitement des articles scientifiques. Or, en
                                 e
                  ce début de xxi  siècle, la tendance est à la fusion, de plus en plus
                  imminente, entre recherche fondamentale et vulgarisation. La cir‑
                  culation des connaissances étant dans l’intérêt de tous, il serait
                  formidable de voir la recherche future fusionner publications ori‑
                  ginales et vulgarisation, de sorte que les découvertes soient immé‑
                  diatement accessibles à ceux qui les ont financées – à savoir les
                  membres de la société civile.
                    Car si la recherche actuelle est malade, c’est aussi de son système
                  de publication payant et fermé. Songez seulement : un chercheur
                  du CNRS, financé par le travail des citoyens français et européens,
                  est dans l’obligation de fait de privatiser l’intégralité de sa recherche
                  sans recevoir de droits d’auteur, ni d’en transmettre au CNRS lui‑
                  même, qui pourrait sûrement récupérer un quart de son budget
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                  annuel s’il touchait l’argent de toutes ses publications .
                    La recherche actuelle est ainsi faite que le travailleur de la connais‑
                  sance doit soumettre la totalité de son pouvoir de négociation à des
                  revues payantes, et les supplier d’accepter gratuitement une valeur
                  qui a coûté des millions d’euros au contribuable. Mais le pire, c’est
                  qu’il doit payer sa recherche deux fois : pour lire les travaux de ses
                  collègues, il doit, en effet, s’acquitter encore d’un abonnement très
                  coûteux aux revues scientifiques qui s’en sont emparées.




                    1.  «  Combien faut‑ il de psychologues pour changer une ampoule ? dit la blague.
                  Un seul, mais l’ampoule doit vouloir changer. »
                    2.  Le groupe de publication scientifique Elsevier gagne plus d’argent en un an que
                  tout l’INSERM.

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