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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  expliquer (c’est même le cas de l’immense majorité des choses qu’il sait
                  faire), lier l’excellence au monde verbalisé est déjà une limitation. Alors, si
                  l’on exclut la volonté et la motivation – qui sont sous‑ évaluées dans l’édu‑
                  cation –, pour ne se concentrer que sur les capacités « intellectuelles », c’est
                  le sillon intrapariétal gauche qui est sans doute au cœur du phénomène
                  (au demeurant complexe) « avoir de bonnes notes ». Le phénomène serait
                  alors encore plus confiné qu’on le croyait, même dans la vie cérébrale.

                  Autre problème : la question d’une possible régression de l’intelligence
                                                                                 1
                  générale dans la population. En 2013, Woodley, Te Nijenhuis et Murphy
                  ont publié une étude affirmant qu’il existait un « déclin dans l’intelligence
                  générale ». Elle s’articulait autour d’un test très simple, connu depuis
                  l’époque victorienne : on affiche un point sur un écran et on demande au
                  sujet de dire s’il se trouve à gauche ou à droite de lui, le plus vite possible.
                  Il résulte de ce test que le temps de réaction s’est allongé dernièrement.
                  Certains voient là le signe que notre intelligence régresse.
                  Pour ma part, je considère cela comme la surinterprétation d’une expé‑
                  rience minuscule, incapable de capturer la notion d’intelligence générale.
                  Pour en avoir fait passer moi‑ même, je peux confirmer que plus votre
                  esprit « erre », plus votre activité mentale spontanée est grande, moins
                  vous serez affûté à ces tests basiques de « décision perceptive ». Cela
                  prouve‑ t‑il que vous êtes moins intelligent ? Une explication possible à
                  l’observation de Woodley et al., c’est que les gens « pensent » davantage,
                  que leur cerveau est bien plus riche d’activités spontanées, de réflexions,
                  de mémorisations aujourd’hui qu’hier, et que ces activités empiètent sur
                  leurs performances à un test désuet.
                  De Néandertal à Sapiens, la taille du cerveau a diminué. Peut‑ on dire que
                  les capacités cognitives des hominidés ont aussi diminué de Néandertal
                  à Sapiens ? Je ne le crois pas.



                    Si vous limitez votre vie à la vie notée, vous n’aurez pas de
                  vie, vous aurez vendu un cheval véritable pour acheter un che‑
                  val de bois. Pire, ce cheval de bois, vous le transmettrez à vos
                  enfants. L’homme noté est inférieur à l’Homme tout court. Héri‑
                  tage de la pensée eugénique, nous avons cru que l’Übermensch
                  (le « surhomme ») de Nietzsche se trouvait dans l’homme noté,


                    1.  Woodley, M. A., Te Nijenhuis, J. et Murphy, R., « Were the Victorians cleverer
                  than us? The decline in general intelligence estimated from a meta‑ analysis of the
                  slowing of simple reaction time », Intelligence (2013), 41, 843‑850.

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