Page 59 - J'aime autant te hair
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de même race, de même couleur ou de même langue. Mais le facteur
déterminant de la différence qui existe entre l’être humain et son
semblable, c’est que chacun domine à sa façon le monstre qui le
martyrise. Ce monstre c’est lui. L’animal se trouve dans l’esprit. Il faut le
dompter ou succomber à ses caprices.
Quand je pense que mon patron doit lutter contre lui-même pour
survivre, Marlon Brando occupe mes pensées lorsqu’il affirme que « les
gens ont des peurs inconscientes et des angoisses mal définies, peut-être
parce qu’ils se sentent coupables, et ils s’accrochent comme une moule à
son rocher. Ils sont bourrés de préjugés, ils accumulent de la haine, bien
rangée dans un petit coin, et ils ne veulent pas qu’on la balaie avec des
arguments logiques ».
Ma journée se termine vers huit heures du soir. Un autre groupe
assure la relève. Le ciel mauve pâle a pris une couleur abricot, à l’ouest où
les oiseaux s’envolent à tire-d’aile. Je suis blasée des grands restaurants et
tout le tralala alors je décide de rentrer chez moi, morne, épuisée.
Brandon, quand j’y pense n’est jamais ressorti de son bureau, quand je
suis partie. J’ai bien peur que ça ne soit très grave. Quoiqu’il en soit, je ne
me fais pas trop de souci pour lui, il est si bien entouré.
Quand j’arrive enfin à la maison, tout est calme et propre. Ça parait
étonnement suspect, lorsqu’on pense que mon nouveau colocataire est un
singe. Je lui ai attribué un nom Murphy, il me fait rire comme Eddy.
D’ailleurs je ne le vois nulle part, mais où est-ce qu’il est encore passé
celui-là ? Je fouille la maison de fond en comble, sans lui mettre la main
dessus. Quelle catastrophe, mon ami a disparu, l’a-t-on seulement
kidnappé ? C’est à ce moment qu’un bruit en provenance de l’extérieur
attire mon attention. Je sors pour aller vérifier. MON CŒUR S’ARRETE
UN COURS INSTANT.
Davis Magnus se tient devant moi, à environ deux mètres
seulement, la petite bête accrochée à l’épaule n’est autre que Murphy.
Avançant dans ma direction, il me devient impossible de contrôler cette
étrange sensation qui embrase tout mon corps. Au secours. Je passe en
revue tous les mots possibles que je pourrais formuler, une fois qu’il
m’aurait passé le bonsoir. Devrais-je l’inviter à prendre un verre chez
moi, comme dans les films ? Où va-t-il m’accorder un rendez-vous ? Que
vais-je lui dire s’il commence à s’ennuyer de ma présence ? Suis-je assez
belle pour ne pas qu’il s’en reparte en courant, une fois qu’il sera tout près
de moi ? Pourrais-je seulement le regarder en face ? Vais-je lui avouer
mes sentiments ce soir ?
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