Page 67 - J'aime autant te hair
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Pas plus que hier, j’étais en parfaite santé. Je reconnais en effet que la
visite de Charles m’a beaucoup secouée. Bien évidement je prends un
cachet, ignorant lequel, Clarisse m’a juste affirmée qu’elle en possédait
une douzaine dans son sac. L’effet immédiat est la nausée qui incombe
ma gorge, rien de plus. Impossible de lutter contre la migraine, la nausée
et l’angoisse. Je capitule.
Judith passe un morceau de musique, et sur mon lecteur Blu-ray
Leonardo DiCaprio joue les tombeurs. C’est censé être mon jour. Mais je
n’ai aucune envie de danser. Une momie voilà ce que je suis. Ne dit-on
pas qu’aux malheurs des autres, certains en rigolent ? Clarisse enchaine
les pas de danse, cherchant à rivaliser Beyonce. Disant qu’elle est plutôt
nulle. Mes amies remarquent mon indifférence. Judith ne calcule pas ses
mots et je préfère ça. Là où le bât blesse, pour chaque être humain, c’est
quand on est front avec vous, mais une fois la douleur passée, on se sent
tout de suite reconnaissant.
_ Helena ? Tu n’as pas la grande forme en dirait, que se passe-t-il
donc, pour que tu sois aussi frigorifiée le jour de ton anniversaire ? Elle
vient choir à mes côtés, me prenant dans ses bras. C’est parce qu’on ne t’a
pas apporté de cadeaux ?
_ Ma santé se dégrade. Dis-je avec des gestes d’automate.
_ La dernière fois où je t’ai vu dans cet état, c’est quand Arthur
avait fugué, pour se prendre une cuite avec ses acolytes habituels. Je me
rappelle que cette nuit-là, tu m’avais passé douze coups de fil en l’espace
de trois minutes à minuit et ensuite nous avons cherché dans tous les
commissariats de police de Brazzaville. Mais encore tu avais assez de
force pour pleurer le jour d’après et pendant deux jours sans t’arrêter.
_ Tu ne comprends pas Judith, au final je restais convaincu que
mon mari était bien vivant, quelque part. L’espoir nous empêche de
succomber, à la mort ou à la folie, mais là c’est différent. Aujourd’hui
c’est contre moi-même qu’est dirigé ce combat.
_ Que veux-tu…
_ Vous deux feriez mieux de bouger vos fesses, venez danser avec
moi les filles, ne soyez pas coincée.
Clarisse interrompt notre conversation. C’est vrai qu’elle prend
plaisir à danser. Friedrich Nietzsche à ce propos le confirme : « La vie
sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil ». Pablo
Casals ajoutera même que « la musique chasse la haine chez ceux qui sont
sans amour. Elle donne la vie à ceux qui sont sans repos, elle console ceux
qui pleurent. »
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