Page 204 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux

pilori toute personne qui dénonce les crimes de leurs par·
rains. Pour eux, il y a deux camps. Celui des intégristes
terroristes et celui des républicains. Évidemment, les géné-
raux mafieux sont classés dans le deuxième camp. Il n'y a
pas d'autre choix. Le matraquage médiatique finit par
avoir raison du peuple. même de ceux qui rejettent cette
thèse du plus profond d'eux-mêmes.

      Thabet Hannachi, originaire d'Aïn Defla, une ville

durement frappée par le terrorisme, était journaliste à
l' hebdomadaire El Houria. Un jour, alors que nous débat-
tions des exactions des militaires et des abus du pouvoir,

il est allé jusqu'à dire qu'il préférait recevoir un coup de
pied au derrière, matin et soir, de la part d'un caporal,
plutôt que de vivre sous la menace quotidienne des terro-
ristes. Il ne pouvait croire que les militaires puissent arrêter
des innocents ou tuer quelqu'un sans mobile. Il lui a fallu
faire l'expérience de leur brutalité pour ouvrir les yeux. À
l'occasion d'un gala artistique non-stop organisé à la sta-
tion balnéaire de Sidi Fredj, les journalistes avaient été
regroupés dans un hôtel touristique qui leur servait de rési-
dence sécurisée. Aux environs de minuit, fatigué, Thabet
quitte le gala pour regagner l' hôtel, qui n'était qu'à
quelques dizaines de mètres. Il est arrêté par un groupe de
militaires qui montent la garde. Hors de question de quitter
les lieux. Tout le monde doit rester sur place jusqu'à
5 heures du matin. Thabet essaie de discuter, mais les mili~
taires ne l'écoutent pas. Ils finissent par le bousculer et
l'insulter. 11 commet alors l'erreur de leur répliquer dans
le même registre.

      Il n'en fallait pas plus pour qu'ils l'embarquent et lui
donnent une bastonnade mémorable qui le laisse inanimé
plusieurs heures. À son réveil, de la cellule où il a été jeté,
il les entend appeler par radio un véhicule pour le jeter
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