Page 210 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux

et risque de le mettre sur de fausses pistes. Il privilégie
l'interrogatoire sous ses différentes facettes en pressant le
suspect par des questions répétitives, en cherchant le

moindre détail, en fouinant dans la mémoire, en évitant de

poser les questions auxquelles s'attend l'intéressé, pour les
mettre sur la table au moment le plus inattendu. C'est de
cette manière qu'il a réussi à remonter la piste des ravis-
seurs des trois diplomates français. En usant de la même
méthode d'interrogatoire, il a pu arrêter le commandant de
la marine qui avait déposé une bombe au mess des officiers
du ministère de la Défense, et les auteurs du premier atten-
tat commis contre la base navale d' Alger en 1992.

     Au cours de notre conversation, j 'interroge Bachir sur
les cadavres de Bachadjarah. Sans la moindre hésitation,
et avec beaucoup de conviction, il me dit : «C'est fmi,
maintenant. Ils ne pourront plus commettre leurs crimes
dans la journée et rentrer passer la nuit tranquillement chez
eux.» Il m'explique que « cette opération était destinée à
semer la peur dans les rangs des groupes terroristes )). La
nuit, des hommes habillés en kachabia 1 et armés de
Kalachnikov frappent aux portes des maisons repérées et
identifiées comme étant les habitations d'éléments terro-
ristes. « Khouk Moudjahid' », répond-on à celui qui
demande qui est là. S'il ouvre, il est abattu d'une baUe.
« Peu importe que ce soit l'élément recherché, son frère
ou son père. L'important, c'est que le terroriste sait main·
tenant qu'il ne pourra plus se réfugier chez lui. Si c'est
son frère ou son père, il est forcément au courant des agis·
sements de son proche, donc c'est un complice. ») Telle est
la logique du commandant Bachir. Une logique de guerre.
«La base logistique de l'ennemi doit être attaquée et neu·
tralisée. ») En revanche, il n'a jamais été question pour lui
de perpétrer des massacres contre la population civile.

        1. Robe de bure.
        2, « Ton frère, moudjahid».
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