Page 220 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux
Le lieutenant Messaoud Allili était plus raisonnable.
À bord de son hélicoptère, il a déserté et s'est rendu en
Espagne, où il a demandé l'asile politique.
Beaucoup de militaires sont aussi hantés par certains
de leurs actes et dévorés par le remords.
À l'occasion du 27' jour du ramadan 1994, un paisible
citoyen de Cherarba, qui emmenait ses deux enfants chez
le médecin pour les faire circoncire, rebroussa chemin à la
vue d'un convoi militaire. Rattrapé par les soldats, il fut
tabassé et abattu d' une rafale de Kalachnikov. Le jeune
lieutenant qui avait fait usage de son arme se donna la
mort en se tirant une balle dans la tête, quelques jours plus
tard.
Parfois, militaires ou policiers se font passer pour des
terroristes et rackettent les conunerçants. En m'avouant ses
agissements, l'un d'eux se justifiait ainsi: « Vaut mieux
que ce soit la police qui prenne cet argent que les terro-
ristes. De toute façon, on sait bien qu'ils vont passer.»
Pour ce jeune policier, c'était une manière d'arrondir ses
fins de mois difficiles. « Ma paye de huit mille dinars ne
me suffit pas. » Voyant ses chefs rouler carrosse et se
pavaner dans de luxueuses villas, ce policier mobilisé
vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la lutte antiterro-
riste, victime de la crise du logemen~ trouvait dans le rac-
ket un moyen de tirer profit, à sa manière, de la guerre
civile.
La majorité des policiers et des militaires sont mal
payés. Leur salaire ne leur permet même pas de s'alimenter
correctement. « Sans le racket et la récupération du butin
des groupes terroristes que nous neutralisons, je ferais
mieux de faire du trabendo que de m'exposer à la mort à
toute heure. » Faut-il blâmer et condamner ces jeunes poli-
ciers et militaires qui sont eux aussi victimes de la mafia
qui régit le pays? Ds sont pris entre deux feux. Celui de