Page 11 - Editions Tarabuste
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accorde foi, lorsqu’elle tente de s’en remettre à
quelque instance protectrice, susceptible d’apaiser
nos destins malheureux. Ils peuplent les églises,
les musées, les images pieuses. Donnèrent lieu à
d’infinies controverses scolastiques, qui préten-
dirent en établir l’origine au calendrier de la
Genèse, en préciser la nomenclature et la rigou-
reuse hiérarchie, définir le partage précis de leurs
compétences et attributions, leur histoire tumul-
tueuse, anges annonciateurs ou combattants, fixer
les destins inégaux qui les accaparent, Bénê Elohim
sensibles aux charmes des filles, Nephilim qui
engendrent des héros, glorieuse légion céleste et
anges déchus, passés tel Lucifer des nuées aux
Enfers… Une spécialité, sinon une «science», s’est
ainsi constituée, l’angélologie, sur laquelle l’Église
délibère et statue, et dont on croirait à tort que,
révolue, elle appartienne aux temps médiévaux
de l’obscurantisme religieux.
En 2002 encore, un manuel de directives émis
par le Vatican considère que « l’usage de donner
aux anges des prénoms particuliers est à réprou-
ver, sauf dans le cas de Michel, Gabriel et Raphaël,
des anges figurant dans la Bible». Adalbert ne fut-
il pas condamné, en 745, par le pape Zacharie pour
avoir nommé en prière les anges Ineas, Raguel,
Sabaoc, Siniel, Tubuas, Tubuel et Uriel, que l’Église
tient pour des démons – et dont deux prêtent ici
leurs noms aux personnages –? Le cardinal chilien
Jorge Medina Estevez, préfet de la congrégation
vaticane pour le culte divin, dénonçait il y a peu
les déviations de la piété populaire, interdisant
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