Page 14 - Editions Tarabuste
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coutume de le faire. Le roman intègre nos prati-
ques les plus actuelles, invite ses lecteurs à y recon-
naître leurs habitudes nouvelles, comme un miroir
qu’il leur tend, où, peut-être, interroger ces com-
portements étranges que l’extension numérique,
et l’emprise qu’elle exerce sur nos vies, tendent à
multiplier.
Car Nadaud est très au fait de ces pratiques
addictives. Et des dangers qui les guettent: cyber-
criminalité, harcèlement numérique, virus infor-
matiques, fraudes et arnaques diverses, jeux vidéo
piégés, prostitution sur internet, sites pédophiles
– qui prolongent à leur manière une longue tradi-
tion cléricale. Engagée dès 2001, l’écriture de ce
roman s’avère particulièrement visionnaire envers
tant de phénomènes qui n’ont cessé de se déve-
lopper depuis. Tout un univers menaçant se dissi-
mule derrière nos écrans. Voilà qui justifie pleine-
ment l’enquête qui se noue ici – et la fonction
d’alerte qu’elle prend pour le lecteur d’aujourd’hui.
Lucide sur les effets perturbants, sinon pervers,
du Metavers dont le déploiement pourtant n’était
encore que fantasmes et vagues projections lorsque
l’écrivain nous a quittés, Nadaud anticipe sur ses
conséquences ultimes, lorsque nous ne saurons
plus vraiment quel monde nous habitons, et serons
inexorablement livrés à la « superstition que le
réel existe, et [à] cette idée fausse qu’il est véri-
fiable. » Le virtuel ne risque-t-il pas en effet de
nous apparaître un jour prochain plus réel que le
réel? Ne sommes-nous pas déjà agis, dans nos vies
mêmes, par ce que trament les algorithmes ?
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