Page 171 - ANGOISSE
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- Elle n’a en effet pas variée d’un iota. Si nous voulons comme vous-même
        reprendre la main, ce ne peut être qu’au travers de l’opinion publique. C’est
        du moins notre sentiment. Peut-être est-il erroné ? Seul l’avenir nous le dira.
        Ce qui par contre est certain c’est qu’il convient de ne pas livrer la bataille sur
        le terrain de la haine. Pour nous il est absolument essentiel, vital, qu’il n’y ait
        pas  d’amalgame  dans  l’esprit  de  la  population  entre  les  terroristes  et  les
        musulmans.  Si  nous  gagnons  ce  combat  auprès  de  nos  concitoyens  nous
        pouvons espérer que la pression du peuple sera si forte qu’il sera impossible
        au ministre de la défense de réaliser un coup d’état militaire. Et lorsque je parle
        de pression, ce sera aussi bien celle exercée de l’extérieur par l’ensemble de
        nos  concitoyens,  du  moins  ceux  qui  ne  soient  pas  déjà  fanatisés,  que  de
        l’intérieur de l’armée elle-même dans la mesure où je suis persuadé, bien que
        celle-ci  fut  de  métier  et  non  de  conscrits,  que  des  voix  s’élèveront  pour
        organiser la désobéissance à des ordres manifestement illégaux.
        -  En  pratique,  comment  voyez-vous  les  choses ?  Sachant  que  nous  ne
        disposons que de très peu de temps.
        - Permettez-moi de poser la question différemment concernant la durée qu’il
        nous  a  imparti.  Pourquoi  au  contraire  nous  laisser  autant  de  temps ?  Je
        m’explique. S’il est réellement en capacité de réaliser un putsch militaire, il
        devrait  assez  logiquement  être  déjà  prêt  avec  par  conséquent  pour  lui
        l’inutilité de nous accorder un délai de près de vingt-quatre heures, ce qui est
        énorme  compte  tenu  de  l’urgence  de  la  situation.  Dites-moi  si  mon
        raisonnement vous semble idiot ?
        - Non, non. Continuez, je vous en prie.
        -  Partant  de  ce  postulat,  il  s’agit  un  atout  considérable  pour  nous.  Cela
        semblerait en effet signifier que si celui-ci peut sans doute compter sur un
        certain  nombre  de  gradés  acquis  à  sa  cause,  il  ne  ferait  pas  malgré  tout
        l’unanimité  dont  il  a  cruellement  besoin.  Autrement  dit,  nous  sommes
        assurément sur le fil du rasoir mais la bonne nouvelle c’est qu’un rien peut
        faire basculer la situation en notre faveur. Et ce « rien » n’est autre que le fait
        que la population ait connaissance des velléités dictatoriales de notre cher ami
        et  que  celle-ci  prenne  pleinement  conscience  du  combat  engagé
        collectivement avec la communauté musulmane pour délivrer notre pays de
        tous les fanatismes militaires ou religieux.

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