Page 166 - ANGOISSE

- Tu connais aussi bien que moi les enjeux de cette rencontre. Comment veux-
tu que je parvienne à rester serein dans ces conditions ?
- C’est donc bien ce que j’avais perçu lors de ton appel téléphonique tout à
l’heure. Alors comme je suis, ne l’oublie pas, également médecin, j’ai prévu
tout ça.
Le ministre de la santé ouvrit alors la petite trappe dans le tableau de bord
face à lui. Celle-ci contenait deux petites bouteilles d’eau minérale maintenues
au frais dans un petit habitacle réfrigéré. Il s’empara de l’une d’entre elles et
en ouvrit aussitôt le bouchon avant de la tendre à son ami.
- C’est pour faire passer le cachet que je vais te donner.
- C’est quoi ?
- Pour l’instant cela n’a pas d’importance d’en connaître le nom. Sache
simplement que cela va te détendre sans provoquer d’endormissement.
- Il ne vaudrait mieux pas. Je me demande d’ailleurs comment j’arrive à rester
éveillé depuis autant de temps alors que d’ordinaire j’ai besoin de mes six
heures quotidiennes de sommeil pour me sentir bien.
- La raison est simple. L’enjeu. En ce moment toi comme moi puisons dans
toutes nos ressources afin de tenir éveillés le plus longtemps possible. Les
risques sont pourtant nombreux et plus ou moins graves en termes de
répercussions sur notre santé. La diminution de la concentration, la diminution
de la mémoire, une augmentation de l’émotivité pour ne citer que ceux-ci et
sans oublier bien entendu l’augmentation du risque d’accident.
Manifestement à ce sujet depuis que je me suis installé dans le véhicule tu n’as
pris aucune conscience de mon comportement à ton égard.
- Et de quoi aurais-je dû prendre conscience ?
- Du fait que je ne t’ai pas lâché pratiquement une seconde des yeux en
surveillant ta conduite et en ne cessant de te parler afin de te maintenir
parfaitement éveillé jusqu’à notre destination qui se trouve désormais à moins
de trois cent mètres si je ne m’abuse.
- Si j’ai bien compris, fit le ministre de l’intérieur en exprimant un léger sourire,
tu as l’âme d’un ange gardien.
- Celle surtout d’un médecin qui nous prescrit à l’issue de notre entretien et ce
quel qu’en soit le résultat, d’appeler un chauffeur du ministère pour venir nous
chercher et ensuite d’aller impérativement dormir durant quelques heures.

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