Page 183 - ANGOISSE
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Paris, Salle de réception d’un Grand Hôtel – 16 Juin – 12h24
Cela n’avait pas été très compliqué de convier un parterre de journalistes à
la conférence de presse. En l’absence du Président de la République,
introuvable, ainsi que du Premier ministre retranché depuis près de trois jours
à son domicile et n’acceptant aucune interview, aucun contact extérieur, il leur
manquait de grain à moudre pour réaliser leurs journaux avec des informations
autres que celles, parcellaires, dont ils pouvaient disposer.
La conférence de presse avait été improvisée en début de matinée.
Improvisation était bien le qualificatif de l’exercice dans la mesure où aucun
des deux ministres n’avait véritablement d’expérience dans ce domaine.
Depuis le début du quinquennat le Président de la république avait fait savoir
très clairement à tous ses ministres et secrétaires d’état que la communication
relevait de son domaine exclusif. La réalité était qu’il voulait de cette manière
prendre toute la lumière sans qu’aucun faisceau ne vienne jamais éclairer,
même faiblement, les femmes et hommes composant son gouvernement. Le
ministre de l’intérieur avait préféré confier la mission d’organiser cette
conférence à son directeur de cabinet, lequel s’en était plutôt bien sorti dans
un temps aussi bref. Il était parvenu à louer la salle de réunion d’un grand hôtel
parisien, à prévenir les rédactions des principaux médias et à faire installer la
sonorisation en faisant appel à une société de sa connaissance. Sans se soucier
en la circonstance de respecter la procédure de consultation dans le cadre des
marchés publics. Il l’avait toutefois évoqué à son ministre de tutelle, lequel
avait balayé ce problème administratif d’un geste signifiant qu’il s’en moquait
manifestement comme de la guigne. La seule chose oubliée était en fait le
traditionnel dossier de presse contenant généralement le texte de l’allocution
à venir remis aux journalistes à leur arrivée. Dans la précipitation et la
succession des événements personne n’y avait tout simplement pensé.
Assis côte à côte sur la banquette arrière de leur véhicule de fonction
conduit par le chauffeur promis, les deux ministres tentaient de regrouper
leurs pensées.
- Ne crois surtout pas que je veuille me défiler, intervint le ministre de
l’intérieur, car je serai à tes côtés sur la tribune, mais je pense que tu as
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