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Paris, Salle de réception d’un Grand Hôtel – 16 Juin – 12h24


           Cela n’avait pas été très compliqué de convier un parterre de journalistes à
        la  conférence  de  presse.  En  l’absence  du  Président  de  la  République,
        introuvable, ainsi que du Premier ministre retranché depuis près de trois jours
        à son domicile et n’acceptant aucune interview, aucun contact extérieur, il leur
        manquait de grain à moudre pour réaliser leurs journaux avec des informations
        autres que celles, parcellaires, dont ils pouvaient disposer.
           La  conférence  de  presse  avait  été  improvisée  en  début  de  matinée.
        Improvisation était bien le qualificatif de l’exercice dans la mesure où aucun
        des  deux  ministres  n’avait  véritablement  d’expérience  dans  ce  domaine.
        Depuis le début du quinquennat le Président de la république avait fait savoir
        très clairement à tous ses ministres et secrétaires d’état que la communication
        relevait de son domaine exclusif. La réalité était qu’il voulait de cette manière
        prendre toute la lumière sans qu’aucun faisceau ne vienne jamais éclairer,
        même faiblement, les femmes et hommes composant son gouvernement. Le
        ministre  de  l’intérieur  avait  préféré  confier  la  mission  d’organiser  cette
        conférence à son directeur de cabinet, lequel s’en était plutôt bien sorti dans
        un temps aussi bref. Il était parvenu à louer la salle de réunion d’un grand hôtel
        parisien, à prévenir les rédactions des principaux médias et à faire installer la
        sonorisation en faisant appel à une société de sa connaissance. Sans se soucier
        en la circonstance de respecter la procédure de consultation dans le cadre des
        marchés publics. Il l’avait toutefois évoqué à son ministre de tutelle, lequel
        avait balayé ce problème administratif d’un geste signifiant qu’il s’en moquait
        manifestement comme de la guigne. La seule chose oubliée était en fait le
        traditionnel dossier de presse contenant généralement le texte de l’allocution
        à  venir  remis  aux  journalistes  à  leur  arrivée.  Dans  la  précipitation  et  la
        succession des événements personne n’y avait tout simplement pensé.
           Assis  côte  à  côte  sur  la  banquette  arrière  de  leur  véhicule  de  fonction
        conduit par le chauffeur promis, les deux ministres tentaient de regrouper
        leurs pensées.
        -  Ne  crois  surtout  pas  que  je  veuille  me  défiler,  intervint  le  ministre  de
        l’intérieur,  car  je  serai  à  tes  côtés  sur  la  tribune,  mais  je  pense  que  tu  as

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