Page 25 - ANGOISSE
P. 25
Pigastel, CHU -13 Juin – 07H21
Lucas pénétra dans la petite salle de repos dans laquelle plusieurs de ses
collègues s’administraient une nouvelle dose de caféine destinée à leur
permettre, du moins l’espéraient-ils, de tenir encore quelques heures. Plus
particulièrement celles et ceux qui étaient présents depuis largement plus de
vingt-quatre heures, sans sommeil, sans repos, sans répit. Quelques-uns le
dévisagèrent comme s’il était devenu subitement un inconnu. Sa figure était
comme transfigurée par une rage clairement affichée qui l’empourprait au
point d’avoir fait exploser quelques-uns de ses vaisseaux sanguins.
- Qu’est-ce qui t’arrives Lucas ? Le questionna Anne inquiète en se levant de
son siège pour venir à sa rencontre.
Ce dernier ne put tout d’abord parvenir à articuler le moindre mot avant de
prendre une large bouffée d’air et de se lancer.
- Quelqu’un d’entre vous a-t-il entendu les conneries que vient de débiter
notre ministre à la radio ?
Par pur réflexe professionnel personne n’osa répondre, de crainte d’attiser
le foyer de haine qui brûlait visiblement en lui. Dans ce genre de situation, il
convenait, sauf urgence, d’attendre que le feu ne s’éteigne de lui-même en
l’absence de comburant pour l’alimenter.
- J’ai compris. Aucun d’entre vous n’a dû écouter cet abruti, sinon vous seriez
tous dans le même état que moi. Ecœurés de tant de mensonges ignominieux.
- Vous-vous rendez compte que ce politicard de merde a parlé de simplement
quelques décès alors qu’ici nous en sommes à combien déjà, quarante,
cinquante, peut-être même encore plus. Et tout ça serait dû à une putain de
sévère intoxication alimentaire qui va comme par miracle disparaître aussi vite
qu’elle est apparue ! Comment a-t-il dit déjà…Ah oui, qu’il était venu pour
rassurer tous les français. C’est vrai que nous tous on est vachement rassurés
de voir crever tous ces malades sans qu’on puisse les soigner !
Anne hésita à nouer le contact. Le foyer qui brûlait en Lucas ne s’éteignait
pas et tout au contraire gagnait en puissance, en agressivité. Ce constat réalisé,
il ne lui était plus possible de demeurer passive et elle avança lentement sa
25