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Pigastel, CHU -13 Juin – 07H21



           Lucas pénétra dans la petite salle de repos dans laquelle plusieurs de ses
        collègues  s’administraient  une  nouvelle  dose  de  caféine  destinée  à  leur
        permettre, du moins l’espéraient-ils, de tenir encore quelques heures. Plus
        particulièrement celles et ceux qui étaient présents depuis largement plus de
        vingt-quatre  heures,  sans sommeil,  sans  repos,  sans  répit. Quelques-uns  le
        dévisagèrent comme s’il était devenu subitement un inconnu. Sa figure était
        comme  transfigurée  par  une  rage  clairement  affichée  qui  l’empourprait  au
        point d’avoir fait exploser quelques-uns de ses vaisseaux sanguins.
        - Qu’est-ce qui t’arrives Lucas ? Le questionna Anne inquiète en se levant de
        son siège pour venir à sa rencontre.
           Ce dernier ne put tout d’abord parvenir à articuler le moindre mot avant de
        prendre une large bouffée d’air et de se lancer.
        -  Quelqu’un  d’entre  vous a-t-il  entendu  les  conneries  que  vient  de  débiter
        notre ministre à la radio ?
           Par pur réflexe professionnel personne n’osa répondre, de crainte d’attiser
        le foyer de haine qui brûlait visiblement en lui. Dans ce genre de situation, il
        convenait, sauf urgence, d’attendre que le feu ne s’éteigne de lui-même en
        l’absence de comburant pour l’alimenter.
        - J’ai compris. Aucun d’entre vous n’a dû écouter cet abruti, sinon vous seriez
        tous dans le même état que moi. Ecœurés de tant de mensonges ignominieux.
        - Vous-vous rendez compte que ce politicard de merde a parlé de simplement
        quelques  décès  alors  qu’ici  nous  en  sommes  à  combien  déjà,  quarante,
        cinquante, peut-être même encore plus. Et tout ça serait dû à une putain de
        sévère intoxication alimentaire qui va comme par miracle disparaître aussi vite
        qu’elle est apparue ! Comment a-t-il dit déjà…Ah oui, qu’il était venu pour
        rassurer tous les français. C’est vrai que nous tous on est vachement rassurés
        de voir crever tous ces malades sans qu’on puisse les soigner !
           Anne hésita à nouer le contact. Le foyer qui brûlait en Lucas ne s’éteignait
        pas et tout au contraire gagnait en puissance, en agressivité. Ce constat réalisé,
        il ne lui était plus possible de demeurer passive et elle avança lentement sa

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