Page 27 - ANGOISSE
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tous. Mais comment ne pas compatir à la douleur d’un enfant, qui plus est d’un
        nourrisson. Tout à l’heure j’ai été amené à m’occuper d’un bébé de huit mois
        à peine. Une petite fille. Sa mère a voulu absolument rester avec elle dans la
        salle d’auscultation. Le bébé pleurait, gémissait, vomissait et je me suis senti
        totalement impuissant à pouvoir la soigner. Depuis des heures on distribue ou
        plutôt  devrais-je  dire  on  distribuait  tant  qu’il  y  en  avait  encore,  des  anti-
        vomitifs dont l’action jusqu’à présent s’est révélée absolument nulle. Il me
        restait une dose pour un nourrisson et j’ai fait ingérer le médicament au bébé.
        La mère était au comble de l’hystérie tant elle exprimait de manière physique
        sa terreur de perdre son enfant, c’est donc moi qui tenait l’enfant dans mes
        bras au moment de l’ingestion. A peine avais-je retiré la pompe de sa petite
        bouche, elle a ouvert les yeux en me regardant fixement. Fut-ce durant une
        seconde, une minute, je n’en sais rien mais pendant ce temps elle avait cessé
        de pleurer et de gémir. Puis son corps s’est agité de quelques spasmes rapides
        avant qu’elle ne pousse un dernier soupir. La mère ne s’en est pas rendue
        compte immédiatement puis ce fut l’horreur.
           Lucas, désormais vidé de toute énergie, se laissa lentement glisser sur le sol
        avant de perdre conscience. Dans son cauchemar, il revit les yeux du bébé.
        Ceux-ci étaient bleus.
           La petite fille se prénommait Marie.















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