Page 31 - ANGOISSE
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Paris, Ministère de l’intérieur -13 Juin – 11H55
Le bureau était d’une longueur imposante. Près de quatre mètres mais
malgré sa taille démesurée nul ne pouvait parvenir à distinguer l’essence du
bois qui composait le plateau tant celui-ci était encombré de dossiers plus
volumineux les uns que les autres. Dans un ordre plus qu’approximatif pour le
commun des mortels autres que le Ministre lui-même. Ses assistantes et
assistants avaient pour certains d’entre eux bien tenté d’organiser les dossiers
dans un classement cohérent, ne serait-ce que pour les retrouver plus
facilement et rapidement lorsque le premier des policiers le demanderait mais
invariablement au bout de quelques heures ou de quelques jours, le désordre
régnait de nouveau en maître.
A ses proches qui l’interrogeaient sur ce comportement particulier pour
quelqu’un qui était censé faire régner l’ordre, il répondait toujours avec le
même petit sourire malicieux au coin des lèvres qu’« il faut faire de l’ordre avec
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du désordre » . Et ce n’était pas, parvenu à près de soixante-dix ans, qu’il allait
commencer à changer ses habitudes.
Cela faisait deux ans qu’il occupait ce portefeuille ministériel et n’avait eu
aucune surprise lorsque le Président de la République l’avait appelé pour le lui
proposer. Il était de notoriété publique depuis de nombreuses années que
l’unique poste convoité par Louis MAUREL était celui de l’intérieur, tant ce
dernier était devenu le spécialiste incontournable des questions de sécurité
intérieure. Et chose paradoxale car plutôt rare en matière politique, la gauche,
le centre ou la droite respectaient tant l’homme que ses actes. Une certaine
bonhomie communicative dénuée de toute forme d’agressivité expliquant en
partie cette attitude. Mais cette affabilité naturelle n’empêchait en rien le
Ministre qu’il était devenu de faire preuve d’une capacité de décision hors du
commun. Il n’était pas question pour lui de devenir une « potiche »
virevoltante au gré des vents et avait la ferme intention de marquer de son
empreinte la réforme nécessaire qui se faisait attendre depuis si longtemps.
1 Citation de Marc CAUSSIDIERE, homme politique républicain et révolutionnaire du
XIX° siècle.
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