Page 113 - L'Empreinte du temps
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toutefois  tant  la  vue  des  deux  enquêteurs  était  irrésistiblement
          attirée par l’absence de main droite et surtout les orbites vides à tout
          jamais de leurs globes oculaires.
          -  Impressionnant  la  première  fois  n’est-ce  pas ?  lâcha  le  légiste  à
          l’attention des deux policiers avec une bonne dose d’espièglerie.
            Clarice ne releva pas la question. Elle connaissait parfaitement la
          réputation du médecin qui était d’une nature assez facétieuse dès
          lors qu’il avait affaire à des novices. Elle avait bien tenté de prévenir
          en  quelques  mots  Philippe  de  ce  comportement  pour  le  moins
          particulier mais ce dernier ne l’avait pas vraiment écouté en pensant
          que sa collègue tentait une nouvelle fois de le décourager d’assister
          à  cette  autopsie.  Elle  redoutait  déjà  la  seconde  étape  de  la
          représentation quelque peu théâtrale du légiste au cours de laquelle
          il demanderait sans doute au nouveau de l’aider à tenir le foie ou le
          cœur, selon son inspiration du moment. Bien entendu à mains nues.
          Nul n’échappait à cette intronisation morbide. Quelques-uns de ses
          collègues lui ayant narré quelques anecdotes bien plus gores soit s’en
          disaient  encore  choqués  tandis  que  d’autres,  les  plus  nombreux,
          considéraient  l’exercice  comme  une  forme  d’exorcisme  face  à  la
          mort.  Clarice  quant  à  elle  n’avait  pas  encore  de  véritable  opinion
          après avoir été elle-même la cible inévitable de ce légiste deux mois
          plus tôt. En dehors de ses plaisanteries de carabin de première année
          celui-ci était un professionnel à la fois sérieux et reconnu comme tel.
          S’il y avait quelque chose à découvrir, une piste, un indice, sur ce
          corps  il  faisait  indéniablement  partie  de  ceux  qui  sauraient  les
          détecter. Au point de lui pardonner toutes ses excentricités, fussent-
          elles  parfois  du  plus  mauvais  goût.  N’existait-il  pas  une  certaine
          frustration chez ces femmes et ces hommes amenés à n’exercer leur
          science  que  sur  des  cadavres ?  Sans  pouvoir  jamais  soigner,  sans
          pouvoir  jamais  sauver  des  vies,  sans  pouvoir  jamais  ressentir  la
          chaleur d’une existence pulsant dans ses veines et dans son cœur.
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