Page 120 - L'Empreinte du temps
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La policière conduisait de manière saccadée, par à-coups comme
si elle hésitait en permanence entre une conduite conforme au code
de la route et celle beaucoup plus sportive qui pourrait être la sienne
si elle posait le deux-tons sur le pavillon du véhicule. Il n’y avait pas
de réelle urgence mais elle éprouvait malgré tout le besoin de se
concentrer sur une conduite nécessairement plus nerveuse
mobilisant par conséquent toute son attention. Cela permettant
d’oublier pour quelques minutes les images de cette femme réduite
à de la viande et des os sur un étal qui aurait pu être celui d’un
boucher. Ce fut finalement Philippe qui la fit s’extraire de ses
réflexions morbides.
- Je suis très jeune, y compris dans le métier, mais pas totalement naïf
pour autant. Pourrais-tu m’expliquer pourquoi fallait-il, en plein
milieu de l’autopsie et aussi brusquement, réaliser le relevé des
empreintes digitales de la victime ?
- Disons que j’ai eu une intuition, mentit-elle maladroitement.
- Intuition bien opportune pour que je n’assiste pas totalement à
l’autopsie n’est-ce pas ?
- Tu as le droit de le penser mais il s’agissait d’une banale intuition et
rien d’autre.
Philippe ne cherchant pas à polémiquer préféra couper court à cet
échange qui risquait à tout moment de partir sur de mauvais rails.
Ceci étant d’autant moins souhaitable que ce n’était pas dans sa
nature de chercher la controverse et que d’autre part il subodorait le
fait que sa collègue n’ait trouvé que ce moyen pour lui épargner des
visions d’horreur.
- Je suis désolée, reprit Clarice.
- Désolée de quoi ?
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