Page 74 - le barrage de la gileppe
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Inondation...
Le 9 mai 1875, les vannes furent fermées et les eaux commencèrent à inonder la
vallée derrière la muraille de maçonnerie. Lentement, les vieux chemins venant de
Hestreux et de Jalhay disparurent sous les eaux. Les buissons, les arbustes, les
saules, les bouleaux et les aulnes furent recouverts, tandis que le monde de nos
frères inférieurs, surpris par la montée des eaux, abandonnait la riante vallée. Cet
exode inspira le docteur Ernest Candèze qui en fit le sujet d’un roman entomologique
à l’usage de la jeunesse : la Gileppe, ou les infortunes d'une population d’insectes,
paru vers 1880 dans la collection Bibliothèque d’Education et de Récréation, de
Hetzel, à Paris.
Un lac s’étendit entre l’antique forêt relevant du duché de Limbourg et le marquisat
de Franchimont, et un paysage nouveau, d’une grandeur et d’une beauté toute
différente, apparut, bordé d’une ceinture forestière qui changeait de teintes suivant
les heures et les saisons.
Déceptions
Les débuts de la distribution d’eau de Verviers, au cours de l’été 1875, furent une
amère déception pour les industriels, qui l’attendaient impatiemment, et pour les
habitants ne disposant pas de puits dans leur immeuble ou leur cour.
Le réservoir se remplissait selon les pronostics des ingénieurs, les eaux se
répandaient dans l’aqueduc, mais elles étaient troubles et malodorantes, et servaient
surtout à entretenir la polémique qui se poursuivait depuis des années entre les deux
quotidiens Verviétois et les « supporters » des deux groupes antagonistes.
Les ouvriers du barrage ont résolu de ne plus boire cette eau nauséabonde !
ironisait le Nouvelliste. Ils disent qu’elle sent mauvais et qu’elle donne la colique... »
Le 20 mai, soit onze jours après l’inondation du val, les gazettes Verviétoises
annoncèrent que l’eau de la distribution de Mangombroux était rationnée et qu’à la
Gileppe le niveau du lac avait atteint la hauteur de cinq mètres.
Pourquoi alors limiter la consommation, et que signifiaient ces nouvelles
contradictoires ? On en eut bientôt l’explication : il fallait ménager les réserves de
Mangombroux dans l’éventualité d’une « coupure » de la Gileppe
.
Une nouvelle dispute, imprimée et oratoire, commença. Un ingénieur anonyme
écrivit au Nouvelliste que ces cinq mètres d’eau de fond ne seraient jamais
utilisés.
Bidaut, exposait-il, voulait construire le barrage en un point situé à environ cent
mètres en aval de ’ l endroit où il se dresse à présent, et que choisirent du reste,
avec infiniment de raison, les ingénieurs qui reprirent ’ l étude de son projet après
sa mort.
Mais cette modification, selon l’ingénieur inconnu, devait en amener une autre
dans le niveau du radier de l’aqueduc. Le barrage étant construit à cent mètres
en aval aurait dû avoir pour conséquence de faire baisser de sept à huit mètres
le niveau du
canal amenant les eaux à Verviers. On se serait dispensé de contourner le
vallon de Borchêne et on aurait fait l’économie de « ce fameux barrage en
miniature ! »