Page 77 - le barrage de la gileppe
P. 77

77
                  La  construction  du  barrage  de  la  Borchêne,  qui  coûta  300  000  F  or,  était  donc
               âprement contestée.

                   Dans leur mémoire, paru en 1877, sur la construction du barrage et le

               fonctionnement de sa machinerie, les ingénieurs N. Bodson, E. Détienne et F.
               Leclercq exposent laconiquement les raisons de l’édification du barrage de la
                 Borchêne : « L’aqueduc de la Gileppe devait traverser la vallée de la Borchêne. D’où

               l’idée de construire un barrage qui, en permettant le passage de la vallée, retiendrait
               en même temps les eaux du ruisseau. Ce barrage se compose d’un mur s’appuyant
               aux flancs de la vallée ; il mesure trente-trois mètres de longueur, six mètres de haut
               sous le couronnement. »


                  La chronique du temps révèle à ce sujet des détails curieux.

                  Au cours de sa séance d’octobre 1869, le Conseil communal de Verviers avait
                 entendu  une  interpellation.  L’un  de  ses  membres  affirmait  avec  force  que  jamais

               l’assemblée n’avait autorisé la construction du barrage de la Borchêne et qu’elle avait
                 même rejeté implicitement sa réalisation, parce que trop onéreuse.

                  Le bourgmestre et l’échevin des Travaux répondirent avec la même énergie que le
               Conseil communal en avait admis le projet, mais on ne put retrouver la date de cette
               délibération. Le « barrage en miniature » avait cependant coûté 300 000 F or aux
                 finances communales !

                  Il  y  eut  de  violentes  discussions  à  l’aréopage  communal  et  des  colonnes  de
               commentaires dans les deux feuilles locales.

                  En réalité, le bourgmestre, homme d’action, avait agi à la manière de certains

               ministres à qui les députés reprochent de placer le Parlement devant le fait
               accompli... Il semble bien que l’on se soit passé de l’avis du Conseil communal : la
                 construction du barrage de la Borchêne aura été englobée dans le coût d’ensemble

               des travaux.
                  « Qui a ordonné le barrage de la Borchêne ? », demandait un auteur anonyme
               dans un pamphlet intitulé : « Réflexions d’un contribuable Verviétois sur la grande
               distribution d’eau », imprimé chez L. J. Crouquet en août 1875. Et il répondait : «
               C’est un mystère !» — « Quand donc a-t-il été décidé ? — C’est encore un mystère !

               »

                  « Vous prenez mon eau ! »

                   Et  à  quoi  a-t-il  servi  ?  Ln’était  pas  encore  opéré  quand  le  Conseil  communal
                 résolut  d’amener,  en  attendant,  les  eaux  de  la  Borchêne  à  Verviers  par  le  canal

               souterrain.
                   Elles arrivèrent le 1er novembre 1872 et ce fut un jour béni pour l’industrie et les

               ménagères verviétoises. Tout allait très bien lorsque les riverains lésés (c’est le mot
               qu’emploie un chroniqueur de l’époque, mais pourquoi diable étaient-ils lésés ? La
               Borchêne  n’était  captée  qu’à  son  embouchure  !),  ces  riverains  peut-être  un  peu

               chicaniers s’émurent du détournement non autorisé de « leurs » eaux et demandèrent

               à la ville de Verviers de quel droit elle s’en emparait.e raccordement de l’aqueduc à la
               prise d’eau de la Gileppe

                   Ils  envoyèrent  du  papier  timbré  à  l’édilité  Verviétoise.  Il  semble  qu’ils  avaient
               raison, car la Ville dut renoncer à cet approvisionnement provisoire. Et l’on attendit

               jusqu’à  l’été  1875.  On  attendit  même  jusqu’en  1876,  après  la  période  d’essais
               décevants que nous venons de rappeler.
   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82