Page 72 - le barrage de la gileppe
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               A l’assaut de l’hôtel de ville


                  Le 2 mai 1871, les entrepreneurs des travaux, les frères Dechamps, ayant sans
               doute soumissionné à trop bas prix, se trouvèrent dans l’impossibilité de verser la
                 paie aux ouvriers : 22 500 F. Ce fut un beau concert de protestations !


                  On les vit arriver le 2 mai, au nombre de quatre cent trente, devant l’hôtel de ville

               de Verviers. Ils étaient accompagnés de leurs femmes et suivis d’une bande de

               badauds. Ils exigeaient leur salaire du Trésor communal et menaçaient de mettre le
               feu à l’hôtel de ville si l’Administration ne s’exécutait pas. Pis encore : ils allaient
               prendre un otage, le conseiller Flechet !

                    Dare-dare, le bourgmestre manda le commissaire de police qui envoya ses agents
               chez les échevins et les conseillers. Une réunion secrète se tint dans la maison
               communale assiégée. Pour éviter une émeute, les édiles se résignèrent au
               versement à l’entrepreneur d’une avance lui permettant de payer ses ouvriers.

                  La nouvelle fut annoncée au son du tambour, et les manifestants se dispersèrent.

               La paie se fit à Stembert et à Goé. Mais dans cette dernière localité, de nouvelles
               bagarres éclatèrent, des brouillons voulant s’emparer des fonds . On dépêcha des
               émissaires aux commandants de gendarmerie de Dolhain et de Verviers qui
               envoyèrent des renforts. Le calme fut rétabli et des arrestations opérées.

                    Les frères Dechamps ayant renoncé à poursuivre leur entreprise, le Conseil, après
               de nombreuses et vaines tentatives, mit en régie les travaux d’achèvement du
               barrage.

                                                       Accidents

                     La construction du mur monumental fut marquée de nombreux accidents et
               incidents dont nous trouvons les échos, très brefs, dans les journaux Verviétois,
               selon la manière laconique des reporters de l’époque.


                  Un jour, une explosion fit voler en débris la forge... et le forgeron, un brave homme

               à longue barbe noire qui s’appelait Sanson. Le forgeron avait retrouvé des
                 cartouches de dynamite oubliées au-dehors. La poudre étant humide, l’imprudent

               voulait les sécher devant le foyer de la forge, qui dégageait une chaleur ardente, bien
               que les portes du fourneau fussent fermées. Sanson roulait, du plat de la main, ses

               cartouches sur le tablier du creuset quand une déflagration épouvantable éclata,

               jetant l’effroi dans les environs, jusqu’à Béthane et Goé. On entendit l’explosion à

               Limbourg même. La petite construction fut pulvérisée et le corps de l’infortuné
               forgeron affreusement déchiqueté.

                   Un jeune ouvrier, Constant Berwète, conduisant des pierres au chantier, fut
               miraculeusement sauvé par son attelage qui lui avait servi d’écran protecteur. Il resta
               un moment abasourdi, terrorisé, puis il prit les jambes à son cou.

                   L’histoire nous a été contée par son gendre, feu Hubert Nizet, chef de division à
               l’Administration communale de Verviers, et par l’ancien instituteur de Goé M. Bracco,

               dont nous avons déjà parlé.

                   Lorsque les énormes conduites fournies par les Fonderies Bède et Houget eurent
               été disposées dans les galeries souterraines, depuis les serrements jusqu’à l’aval du
               barrage, et que l’on commença d’en souder les joints, un autre accident se produisit,
               sans causer mort d’homme, cette fois.
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